2021
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Santé mentale au Québec ; vol. 46 no. 2 (2021)
© Département de psychiatrie de l’Université de Montréal, 2022
Laurent Béchard et al., « Une approche de la psychopharmacologie des premiers épisodes psychotiques axée sur le rétablissement », Santé mentale au Québec, ID : 10.7202/1088180ar
Objectifs Les personnes composant avec un premier épisode psychotique (PEP) sont peu représentées dans les essais cliniques menant à l’homologation des médicaments. En conséquence, il existe une relative pénurie de données empiriques pour guider le traitement psychopharmacologique de ces jeunes. Le présent article offre une synthèse de cette littérature, éclairée par l’expérience clinique de traitement des PEP acquise par les auteurs au cours des 25 dernières années.Méthodes Cette revue sélective de la littérature porte sur le traitement psychopharmacologique des PEP et inclut à la fois les essais randomisés et les études observationnelles. Elle s’organise autour des thèmes suivants concernant les PEP : les taux de réponse et de rémission ; les taux de rechute ; les spécificités relatives à la susceptibilité aux effets indésirables ; les comparaisons entre les diverses molécules et formes pharmaceutiques en regard de l’efficacité, l’innocuité et la prévention de rechute ; les recommandations quant à la durée du traitement ; l’approche dans la résistance au traitement et l’utilisation de la clozapine. Pour chacun de ces thèmes, les données de recherche sont interprétées et complétées par des commentaires inspirés de l’expérience clinique des auteurs, dans une perspective résolument axée sur le rétablissement de la personne.Résultats La rémission des symptômes est atteinte chez environ 75 % des personnes lors du traitement initial d’un PEP, son maintien étant un très fort prédicteur du rétablissement fonctionnel. Les taux de rechute psychotique pendant les trois années suivant un PEP sont d’environ 60 %, le problème d’adhésion au traitement étant la principale cause de ces rechutes. La population PEP se distingue par une plus grande propension aux effets indésirables, notamment la prise de poids et les réactions extrapyramidales. À l’exception des PEP résistants au traitement, aucune différence claire n’a été démontrée quant à l’efficacité des agents antipsychotiques, mais ils se distinguent quant à leurs effets indésirables et leurs modalités d’administration. À ce titre, l’utilisation des antipsychotiques à action prolongée (APAP) par voie intramusculaire injectable est supérieure aux agents par voie orale pour prévenir les rechutes. Si les lignes directrices recommandent le maintien du traitement pour 18 mois suivant l’atteinte de la rémission, ces recommandations reposent sur des données empiriques encore imprécises, rendant nécessaire le recours à une approche de décision partagée sur cette question. Dans le groupe des personnes n’obtenant pas une réponse satisfaisante après 2 essais d’antipsychotiques, la clozapine est efficace chez jusqu’à 80 % des personnes.Conclusions La population PEP se distingue par un taux élevé de réponse, des rechutes fréquemment liées à la non-adhésion au traitement et une sensibilité accrue aux effets indésirables. L’ajustement personnalisé du traitement pharmacologique des PEP vise la rémission soutenue de toutes les dimensions des symptômes alliée à une gestion proactive des effets indésirables, y compris à travers une utilisation judicieuse des APAP et de la clozapine.