2022
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Revue musicale OICRM ; vol. 9 no. 1 (2022)
© Revue musicale OICRM, 2022
Marie-Pier Leduc, « Ne suivez pas « ce génie protéiforme » ! Les écrits d’Émile Vuillermoz sur Stravinski (1911-1949) », Revue musicale OICRM, ID : 10.7202/1090513ar
Cet article retrace l’évolution du regard posé par le critique musical Émile Vuillermoz sur Igor Stravinski. Vuillermoz, qui fréquente Stravinski à Paris à partir de 1910, est d’abord un fervent défenseur du compositeur jusqu’au début des années 1920. Il accueille avec enthousiasme les premières oeuvres de Stravinski qui, selon lui, cherchent à provoquer des sensations plutôt que de s’adresser à la raison des auditeurs. Une lettre que Stravinski a envoyée à Vuillermoz le 28 juin 1912 – qui fait ici pour la première fois l’objet d’une attention musicologique – retient particulièrement notre attention puisque le compositeur y endosse de façon indirecte des principes esthétiques aux antipodes de ceux qu’il prône par la suite, notamment en ce qui a trait à la non-expressivité de la musique. Le virage néoclassique de Stravinski marque la jeune génération de compositeurs actifs en France qui y voient un moyen de se libérer du debussysme. Vuillermoz, fervent défenseur du debussysme, se détourne alors graduellement du compositeur russe, sans toutefois renier son génie. Les écrits de Vuillermoz sur Stravinski deviennent le terrain de débats qui dépassent la simple appréciation des oeuvres : il s’agit, pour le critique, de défendre sa conception de la musique- sensation et de combattre ceux qui rejettent l’héritage debussyste et « impressionniste ». Le critique entreprend d’isoler le compositeur en le présentant comme un franc-tireur dont l’exemple ne doit pas être suivi.