2022
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Études françaises ; vol. 58 no. 2 (2022)
© Les Presses de l’Université de Montréal, 2022
Jacques Ebguy, « « Rien n’est complet que le malheur ». (Im)puissance du malheureux dans trois récits balzaciens », Études françaises, ID : 10.7202/1092523ar
Dans certains des récits de Balzac des années 1830, notamment Le colonel Chabert, La peau de chagrin et Adieu, le malheur produit un étonnant effet de singularisation. Le roman raconte la succession d’infortunes que traverse un personnage et rend sensible au sens et à la force de sa souffrance qui, paradoxalement, le prive de toute capacité à agir et voue le récit à la répétition. L’héroïsation tient aussi à ce que le malheur semble doter la figure d’une forme de lucidité ou de voyance. Le roman balzacien propose donc deux approches du « héros » malheureux (exposé au malheur et exposant les incompatibilités des temps, des manières d’être et de sentir), et une double saisie du malheur, objet du récit pathétique, et condition d’un « voir » plus large, d’une confrontation à l’intolérable, aux déchirures de l’histoire, qu’aucun récit ou discours ne peut ni ne doit résorber.