2022
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Cahiers franco-canadiens de l'Ouest ; vol. 34 no. 1-2 (2022)
Tous droits réservés © Centre d’études franco-canadiennes de l’Ouest (CEFCO) et Presses universitaires de Saint-Boniface (PUSB), 2022
Louise Renée, « Espace et asservissement dans La route d’Altamont de Gabrielle Roy », Cahiers franco-canadiens de l'Ouest, ID : 10.7202/1094026ar
La route d’Altamont est un hommage à la créativité féminine, mais, en même temps, une critique de l’asservissement de la femme. Toute reconnaissante qu’elle soit des dons artistiques octroyés par ses aïeules, Christine rejette cependant le rôle traditionnel que ses muses lui proposent. L’histoire tracée à l’avance pour la femme, c’est le mariage, la maternité, le service domestique, c’est-à-dire le sacrifice de soi, l’abnégation de toute aspiration personnelle. Selon Christine, cette vie entraîne un rétrécissement de l’être, et elle associe constamment sa mère et sa grand-mère à un espace restreint qui la rend claustrophobe. Par exemple, tandis que Christine est en train de contempler le vaste lac Winnipeg, sa mère est terrée au fond d’une cave sombre à l’odeur de moisi. L’espace limité de la vie domestique symbolise la prison mentale dans laquelle se trouve la femme asservie. Par contre, l’espace ouvert représente les infinies possibilités du destin féminin. En quittant son pays et en devenant romancière, Christine va à l’encontre des attentes sociales qui pesaient sur les femmes surtout à cette époque-là. Le voyage, l’aventure, le déplacement, le départ vers l’inconnu – tout ce qui ouvre l’espace –, c’est le rejet de l’asservissement traditionnel de la femme. Le récit de Christine n’adopte nullement le ton de la révolte, qui était alors interdit à la femme. Dans Writing a Woman’s Life, Carolyn Heilbrun explique que les femmes adoptaient souvent un ton nostalgique, qui est la forme atténuée de la colère.