Critique et post-critique de la théorie : de la réduction affective à la « fiction charitable »

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2019

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Recherches sémiotiques ; vol. 39 no. 3 (2019)

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Alexandru Matei, « Critique et post-critique de la théorie : de la réduction affective à la « fiction charitable » », Recherches sémiotiques / Semiotic Inquiry, ID : 10.7202/1094387ar


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Dans son essai de 1991, Nous n’avons jamais été modernes, Bruno Latour appelle à une remise en cause des procédures épistémologiques et idéologiques que les Modernes ont mises en place pour réaliser leur projet. Il y dénonce notamment la montée d’une pensée oppositionnelle (il l’appelle parfois “travail de purification” [1997 : 47]) que les Modernes auraient prise pour de l’argent comptant et qui, au fur et à mesure, aurait ruiné le projet moderne. Les modernes auraient ainsi négligé la complexité d’une réalité complexe, explicitée soit sous la forme du “réseau” (Latour, passim), “mesh” (Morton 2010 : 8)) ou bien “objet” (Harman (2010). Or, le principal moteur cognitif de la modernité aura été le dualisme : différence, opposition, dichotomie, paire, double, etc. Latour et Barthes pensent souvent, si ce n’est toujours à partir du dualisme, figure qu’ils tiennent pour la forme du métalangage moderne. Si Barthes n’a jamais été philosophe, il a tôt remarqué la force de ce métalangage, qu’il a essayé de subvertir, ou bien ayant recours au “neutre”, l’un des termes les plus chargés de son oeuvre, ou bien en jouant indéfiniment avec les classements. Toutefois, un certain figement et puis déclin de la modernité, ne serait-ce que sous forme de ressenti, pousse Barthes vers ce que nous allons appeler une sorte de réduction affective de sa pratique discursive, notamment alors qu’il s’agit du “dernier Barthes”. Alors qu’il ne cesse de varier son discours, d’en saper l’autorité par le recours à la “notation” et à l’“incident”, il tend à privilégier le rapport affectif au langage.Si la modernité se caractérise à la fois par ce que Latour appelle des “valeurs d’émancipation” et des “valeurs d’attachement”, nous voudrions montrer comment Barthes, tout en restant l’un des plus lucides critiques et concepteurs de la modernité, a eu peut-être tort de négliger les premières en privilégiant les secondes. Son traitement du dualisme rend compte à la fois d’une pensée sceptique qui voit dans le dualisme moderne un design, une distribution sensible plutôt qu’une “réalité”, et par conséquent l’idée d’une modernité sujette à caution, mais aussi d’un “individualisme” (postmoderne?) qu’il embrassait sans réserves à la toute fin des années 1970.

In his 1991 essay We Have Never Been Modern, Bruno Latour calls for a requestioning of the epistemological and ideological procedures that the Moderns put in place to carry out their project. He denounces in particular the rise of oppositional thought (“purification”) which the Moderns accepted at face value and which over time destroyed the modern project. In this sense, the moderns overlooked the complexity of a reality which some today (Serres, Latour) call a “network” and others (Morton) call a “mesh.” The reason Barthes was never a philosopher may be because he often yielded to the temptation of transforming his theoretical arguments into syntactical devices. His “abandonment” of theory should not be overly fetishized, because before 1970 Barthes had never been completely dedicated to it. At the same time, the principal cognitive engine of modernity had been dualism: difference, contrast, dichotomy, pair, double, etc. Barthes’ thought often used two as a starting point. He summed up this way of working as a writer at the very outset of his false autobiographical treatise Roland Barthes par Roland Barthes (the title also plays on the dual “RB”). This is a two which, initially an argument, becomes the source of a stylistic practice : “There are two texts in what he writes. Text I is reactive and is driven by indignation, fear, inner ripostes, bits of paranoia, defences, scenes. Text II is active, driven by pleasure. But text I also becomes active as it is written, corrected and yields to the fiction of Style. At that point it loses its reactive skin and subsists only in patches (in slight parentheses).”In this essay I would like to demonstrate, at the same time as I place his work in dialogue with that of Bruno Latour, how Barthes is one of the most lucid critics and conceivers of modernity while remaining on the threshold of contemporary ecological reality, which he did not see coming. His treatment of dualism is an expression of both a sceptical way of thinking which sees in modern dualism a design, a perceptible allocation, rather than a “reality,” and as a result the idea of a modernity subject to caution; but also an idea of a postmodern “irresponsibility” which has been unable to extract itself from the consequences of its mistrust of the “modern.”

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