2000
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Revue québécoise de droit international ; vol. 13 no. 1 (2000)
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Didier Rouget, « LES ÉTRANGERS ET LA CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME : UNE PROTECTION LIMITÉE ET CONTRASTÉE », Revue québécoise de droit international / Quebec Journal of International Law / Revista quebequense de derecho internacional, ID : 10.7202/1100261ar
À l’origine, la Convention européenne des droits de l’Homme excluait pratiquement tout ce qui concernait le statut des étrangers, le droit d’asile et le statut du droit de séjour, mais admettait le droit souverain pour l’État d’expulser les étrangers.Pour pallier cette absence de protection spécifique des droits des étrangers, les organes de la Convention, Commission et Cour européennes des droits de l’Homme, ont, en vertu de l’interprétation dynamique et évolutive de la Convention, progressivement construit une jurisprudence qui offre des garanties importantes contre les conséquences dommageables résultant notamment des mesures d’éloignement du territoire d’un État partie pouvant constituer des violations des articles 3 et 8 de la Convention.Toutefois, cette protection reste limitée, car, traditionnellement, les organes de la Convention reconnaissent que les États puissent restreindre certains droits des étrangers en fonction des objectifs des politiques d’immigration qu’ils définissent, et notamment pour des motifs tenant au « bien-être économique » des pays ou à la protection de l’ordre public. Dans la définition de ces politiques et des mesures nécessaires à leur mise en oeuvre, les États jouissent d’une large marge d’appréciation. À cet égard, la Cour européenne des droits de l’Homme a toujours refusé de reconnaître le droit au regroupement des familles d’étrangers. Les garanties offertes aux étrangers sont souvent « virtuelles », la Cour ayant confirmé l’inapplicabilité de l’article 6 de la Convention aux mesures prises par les États relatives à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers.De plus, dans un contexte marqué par un durcissement généralisé des législations nationales en matière d’immigration, la jurisprudence européenne a connu, depuis 1996 et dans le sens d’une sévérité accrue, un net infléchissement notamment à l’égard des étrangers non communautaires faisant l’objet d’un refus de séjour ou en instance d’éloignement du territoire.Un changement de perspectives est nécessaire. Le caractère universel des droits de la personne impose de considérer les droits et libertés fondamentales comme le socle d’une réelle protection de tous, et notamment des étrangers. Le respect de ces droits et libertés doit être la règle, les éventuelles restrictions portées à l’exercice de ces droits par une catégorie de personnes ne pouvant être qu’exceptionnelles. L’égalité entre nationaux et étrangers doit être le droit.Dans cette optique, l’adoption du Protocole n° 12 additionnel à la Convention européenne des droits de l’Homme qui interdit de manière générale toute forme de discrimination marque une étape importante. Son application ouvre un champs nouveau pour combattre effectivement toute discrimination directe ou indirecte et condamner les législations, réglementations et pratiques discriminatoires.