1997
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Scientia Canadensis : Canadian Journal of the History of Science, Technology and Medicine ; vol. 21 (1997)
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Jean-Pierre Beaud et al., « La révolution des nombres : statistique privée et statistique d’État dans le Canada du XIXe siècle », Scientia Canadensis: Canadian Journal of the History of Science, Technology and Medicine / Scientia Canadensis: Revue canadienne d'histoire des sciences, des techniques et de la médecine, ID : 10.7202/800403ar
Ce qui distingue le Canada de la France ou de l’Allemagne du XVIIIe siècle, c’est que la statistique n’y est pas, pendant la première moitié du XIXe siècle, « une description de l’État, par lui-même et pour lui-même ». Il existe, entre « l’âge d’or » des recensements du régime français et la naissance d’un véritable système statistique au moment de la Confédération, un moment où la statistique est une description du pays, par d’autres et pour d’autres que l’État. Le réseau de ceux qui introduisent et font circuler les idées statistiques au Canada est au contraire constitué de ce qu’on pourrait appeler, par opposition aux futurs statisticiens d’État, des « gentlemen-statisticiens ». Pendant quelques décennies, on verra se développer un genre nouveau, le statistical account ou tableau statistique, un certain nombre de débats dans lesquels les propositions fondées sur le chiffre occupent une place importante, ainsi qu’une série d’outils cognitifs autorisant de nouvelles formes de description et de comparaison. L’émergence d’un public éclairé ayant compétence à lire et à juger les nombres, la publicité des statistiques, qu’elles émanent de sources officielles ou privées, et le recours aux arguments à caractère statistique dans le discours politique public constituent trois facettes de cette « révolution des nombres ».