2010
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Florence Deprest, « Fernand Braudel et la géographie « algérienne » : aux sources coloniales de l’histoire immobile de la Méditerranée ? », HAL-SHS : géographie, ID : 10.3917/mate.099.0028
La référence aux travaux de Fernand Braudel reste incontournable pour tous ceux qui s’intéressent à l’espace de la Méditerranée. François Dosse a déjà montré que le concept de temps géographique et d’histoire immobile que Braudel développe à propos du monde méditerranéen, et qui fonde sa géohistoire, était issu d’une appropriation de la notion géographique de permanence des « genres de vie », théorisée par Paul Vidal de La Blache. Poursuivant cette thèse, l’article propose de mettre au jour le rôle essentiel de l’œuvre coloniale du géographe Émile-Félix Gautier (1864-1940) dans la transmission de cette notion. Braudel, qui a passé près de dix ans en Algérie (1923-1932), a reconnu l’influence intellectuelle reçue de ce professeur de la faculté des lettres d’Alger, mais il n’a jamais vraiment explicité les ressorts de cet apport scientifique dans la constitution de son objet de recherche. Cependant, mettre au jour cette circulation paradigmatique nécessite aussi d’interroger le contexte où elle s’est opérée. Dans la première moitié du XXe siècle, les discours académiques sur la permanence des genres de vie appliqués à l’Afrique du Nord, à l’Algérie en particulier, sont profondément modelés par des clivages politiques sur la mise en pratique de la « mission civilisatrice ». Le champ universitaire de la géographie coloniale est alors loin de produire un paradigme unitaire. Les affinités avec les positions de Gautier sur l’Orient invitent ainsi à interroger la dimension politique de l’œuvre de Braudel dans ses rapports avec l’empire.