15 décembre 2023
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Marion Vorms, « Le raisonnement probatoire des juges en France. Une approche épistémologique », HAL-SHS : droit et gestion, ID : 10670/1.01lfnv
Une partie de la tâche du juge, au civil comme au pénal, consiste à se forger une opinion à propos de certains faits. Pour parvenir à une conclusion factuelle lui permettant de dire le droit, il dispose d’éléments de preuve, produits par les parties ou fruits de sa propre enquête. L’opération d’établissement des faits, que l’on doit distinguer de leur qualification juridique, relève de ce que l’on appelle ici « raisonnement probatoire ». Si le droit positif français comporte de nombreuses dispositions relatives aux modes de preuve légale, à la charge de la preuve, ainsi qu’aux modalités procédurales de recueil et de production des preuves, il est pratiquement silencieux en ce qui concerne la preuve comme activité de raisonnement du juge. De prime abord, ce silence semble pouvoir s’expliquer par le principe de liberté de la preuve : puisque la valeur probante des éléments qui lui sont soumis relève, hors cas particuliers, de l’appréciation souveraine du juge, la loi ne peut rien lui imposer à ce sujet. Toutefois une analyse épistémologique enrichie d’une approche comparatiste permet de montrer que cette liberté n’autorise pas une interprétation subjectiviste et relativiste de la preuve et de l’intime conviction, et que son bon exercice doit s’accompagner d’une capacité du juge à rendre raison de ses conclusions factuelles. À travers une lecture critique de ce que le droit français dit à propos des faits et des preuves, ce mémoire met en évidence certaines conséquences de cet impensé du droit français et vise à fournir des outils d’analyse pour éclairer – et aider – le raisonnement des juges et de tous les praticiens du droit dans leur tâche d’établissement des faits