2007
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Sonia Branca-Rosoff et al., « "La Lexicologie, un savoir scolarisable ?" », HAL-SHS : histoire, philosophie et sociologie des sciences et des techniques, ID : 10.1075/sihols.112.28bra
L’article vise à cerner les conditions et les formes dans lesquelles, entre 1850 et 1920, en France, la « lexicologie » est devenue un savoir scolarisable, puis effectivement scolarisé, et les raisons pour lesquelles, après la première guerre mondiale, ce savoir est devenu en partie caduc. Le lexique est en effet le principal domaine d’enseignement de la langue dans lequel une didactique du français a pu se développer de manière autonome, sans le prisme (ou l’écran) de la grammaire des langues anciennes – prisme inévitable aux yeux des différents acteurs du jeu scolaire dès qu’il s’agissait de syntaxe ou de morphosyntaxe. Il est significatif à cet égard que l’abondante littérature (manuels, livrets d’exercices, dictionnaires analogiques, ouvrages de pédagogie, plans d’études) à laquelle cette lexicologie d’école a donné cours était pour l’essentiel destinée aux cursus sans latin : le primaire supérieur, le secondaire spécial (1865) – devenu moderne en 1892 – et l’enseignement secondaire des jeunes filles (1880). La première période d’essor de la lexicologie scolaire (1850-1890) correspond au primat d’une approche philologique et didactique à la fois, issue des travaux de P. Larousse, de B. Jullien et de L.-C. Michel. Fondée sur des préoccupations « étymologiques », sémantiques ou de morphologie dérivationnelle et liée, vers la fin, à la mise en place d’ « humanités modernes », cette approche sert de cadre à la mise au point de nombreux types d’exercices de « vocabulaire » (le terme est alors coextensif à celui de lexique). Visant à une connaissance historique de la langue, elle s’achève avec la tentative d’I. Carré d’adapter ce cadre à l’enseignement élémentaire, d’inscrire l’étude du lexique dans l’apprentissage de l'orthographe et de l’expression écrite. Suit une seconde période (1890-1920) pendant laquelle, dans le contexte du débat sur la méthode directe, la lexicologie trouve un public scolaire élargi, devient objet d’études et de pratiques orientées vers l’enseignement du français à des non-francophones dans les dernières zones patoisantes et dans l’Empire colonial. Après 1920, sous l'influence de F. Brunot notamment, l'étude du lexique change de sens : elle s’intègre à l’exercice de lecture expliquée, devient donc étude du vocabulaire, perd ainsi son autonomie dans le dispositif des savoirs du français. Nous insistons sur deux aspects de ce savoir scolarisé : i. les modes selon lesquels une discipline savante, la linguistique historique, a trouvé, grâce à la lexicologie, un espace de projection scolaire ; ii. les types d’exercices que la lexicologie scolaire a rendu possibles.