1 avril 2024
http://hal.archives-ouvertes.fr/licences/etalab/ , info:eu-repo/semantics/OpenAccess
Céline Pallier et al., « Vides et pleins archéologiques au cours du Paléolithique supérieur (MIS 3-MIS 2) dans la grotte du Mas d’Azil (Ariège) : nouvelles données chronologiques », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.03db3e...
Le versant nord pyrénéen présente une grande richesse en vestiges du Paléolithique supérieur. Toutefois, les différentes tradi-tions chronoculturelles sont représentées de façon inégale, d’un point de vue à la fois chronologique et spatial, renvoyant l’image d’une forte variabilité de l’occupation des Pyrénées. L’Aurignacien, par exemple, ne compte que quelques sites sur le piémont pyrénéen et est absent en fond de vallée. De même, les technocomplexes du Dernier Maximum glaciaire souffrent d’une représentation disparate, voire d’une absence dans de larges secteurs. Au Magdalénien, les séquences stratigraphiques sont riches, mais sont incomplètes. Dès lors, quelle signification peut-on attribuer à ces lacunes archéologiques ? Peut-on les expliquer par des absences plus ou moins ponctuelles des communautés humaines à ces périodes dans le massif nord pyrénéen et son piémont ? Doit-on rapporter les hiatus à des phénomènes de conservations différentielles ayant entraîné la disparition des vestiges archéologiques ? Une solution mixte peut-elle être aussi envisagée ?Avant de s’interroger sur les phénomènes, il est essentiel de disposer, pour les sites livrant des séquences longues ou complexes, de calages chronologiques autorisant une perception affinée des occupations paléolithiques.En Ariège, la grotte du Mas d’Azil, traversée par l’Arize, constitue un enregistreur très précis des processus sédimentaires en lien avec les variations climatiques du dernier cycle glaciaire. Elle recèle également une très longue séquence archéologique qui couvre l’ensemble du Paléolithique supérieur, mais qui comporte plusieurs lacunes. L’étude interdisciplinaire de cette cavité, mêlant historio-graphie, géomorphologie, karstologie, géoarchéologie, archéologies préventive et programmée, apporte des éléments de réponses à la question des « vides » archéologiques, et ce à plusieurs échelles d’observation.La présente contribution propose d’évaluer, notamment sur la base d’une nouvelle série de datations radiométriques inédites, quelles lacunes sont constatées dans les occupations archéologiques. Celles-ci sont observées sur le plan chronologique avec deux « interrup-tions » principales de l’enregistrement archéologique : la première entre l’Aurignacien récent et des traces ténues de fréquentation entre le Solutréen récent et le Badegoulien ; la seconde entre le Badegoulien et le Magdalénien moyen récent (MMR). Nos travaux montrent que ces lacunes s’expliquent en partie par les processus sédimentaires qui se sont succédé. Par exemple, les niveaux aurignaciens ont été recouverts par plusieurs mètres de sédiments fluviatiles. Cette phase d’aggradation datée de la transition MIS 3-MIS 2 a rendu la grotte inaccessible pendant plusieurs millénaires. En revanche, l’absence d’occupation pendant le Magdalénien inférieur et moyen ancien (MMA) n’a pas d’explication d’ordre géomorphologique. La possibilité d’une origine culturelle ou d’un choix d’implantation des populations peut être avancée.Les lacunes sont aussi spatiales, au sein de la cavité elle-même, avec la répartition différentielle des vestiges du Magdalénien entre la zone de porche en rive gauche et les galeries en rive droite. Le Magdalénien moyen récent (MMR) en particulier semble se développer uniquement dans les zones plus profondes de la cavité, en rive droite. Ce n’est qu’à partir du Magdalénien supérieur que le site de la Rive gauche semble réinvesti massivement. La question de l’origine de cette lacune du MMR sur la Rive gauche reste ouverte : s’agit-il de phénomènes d’érosion ou d’un habitat en zone plus abritée en concordance avec l’épisode de péjoration climatique de Heinrich 1 ? Quoi qu’il en soit, l’analyse des processus géomorphologiques durant cette période apporte des éléments très précis sur l’organisation de l’espace, les accès et la circulation des populations à l’intérieur de la grotte au cours du Magdalénien moyen récent.Enfin, ces éléments de réflexion, s’ils sont basés sur les datations par la méthode du radiocarbone, sont, lorsque cela est possible, croisés avec l’étude de mobilier, la seule qui permette une attribution chronoculturelle certaine. D’ailleurs, il semble, d’après les premières études, que certaines dates attribuables à l’Azilien d’un point de vue strictement chronologique correspondent encore à la culture mag-dalénienne. Ainsi, le croisement de ces deux types de données apporte des éléments de réflexion sur les modalités de transition entre ces deux cultures.