15 juin 2020
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Aleksandra Wojda, « Un Furieux fait-il le dégel ? Le roman-jazz selon Leopold Tyrmand », Textes et contextes, ID : 10670/1.045560...
L’article propose une réflexion sur le roman-jazz centre-européen, considéré ici comme variante intermédiale de transfert culturel et artistique, tel qu’il est étudié dans les travaux de Michel Espagne ou de Daniel Erhardt. Le roman Zły. L’homme aux yeux blancs de l’auteur polonais Leopold Tyrmand, exemple particulièrement intéressant d’écriture-jazz, se trouve au centre de cette analyse. Publié au crépuscule de l’ère stalinienne par l’un des grands connaisseurs polonais du jazz de son époque, auteur du livre Aux bords du jazz et initiateur du festival international Jazz Jamboree, il invite à s’interroger non seulement sur ce que le jazz a pu apporter à la poétique du genre romanesque de l’immédiat après-guerre, mais aussi sur la portée socio-culturelle et anthropologique de ce type d’écriture dans un contexte spécifique : celui de la moitié des années 50 du XXe siècle, une décennie après la destruction de Varsovie et au seuil du premier « dégel » politique qui marque la fin de la période stalinienne dans l’espace centre-européen en 1956. Nous insistons non seulement sur l’aspect contestataire du jazz qui donne à son transfert vers le tissu romanesque une dimension socio-politique toute particulière. Nous mettons aussi en avant la réflexion anthropologique que le passage de l’enregistrement vinyle, support privilégié du jazz américain de cette époque, à l’écriture romanesque réussit à enclencher chez son auteur. L’article révèle enfin des éléments du processus mémoriel que le transfert semble activer chez Tyrmand, rescapé récent de l’extermination des habitants polonais juifs de la capitale, pour inspirer une écriture individuée, dynamique et sensible, mais dont l’énergie vitale reste irrémédiablement marquée par la perte.