2005
Cécile Roudeau, « Hawthorne et ses sorties : lieu et écriture du lieu dans La Lettre écarlate et ‘Les Bureaux de la Douane.’ », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.04cpqc
Si Nathaniel Hawthorne a « grandi avec la nation » (P.-Y. Pétillon), il a aussi déchu avec la Nouvelle-Angleterre. L’homme qui surplombe depuis la fenêtre des bureaux de la douane le quai désert de Salem en 1850 est un déclassé, un dépossédé qui cherche à retrouver sa voix. Du clair-obscur des bureaux de la douane, moment charnière dans la carrière de l’écrivain, moment de trouble dans la vie de la Nouvelle-Angleterre comme dans celle de la nation, va sortir un texte qui marque la sortie de Hawthorne hors du territoire longuement arpenté de l'esquisse, dans les terres inconnues du romance. Bravant la malédiction des pères, Hawthorne prend le prétexte de son expulsion de la sphère officielle pour extravaguer à la lisière (outskirts), au risque de pactiser avec le féminin. L’échappée se fera écriture, et la lettre dérobée lettre américaine. Pour que « ça sorte », il lui faudra donc lui-même sortir. Expulsé, l’inspecteur Hawthorne devra d’abord se réconcilier avec la perte et faire de la dépossession la condition de l’écriture. C’est en s’autorisant un excursus dans la zone des tempêtes, des sens, de l’intime et de l’art, c’est en choisissant le territoire du neutre, « ailleurs », que Hawthorne finira, sinon par « autoriser » son écriture, du moins à entrer en travail. Écrire, s’ex-crire, ce sera, pour Hawthorne, accepter de désaccoutumer son regard et sa plume, et s’inventer, à l’image peut-être de la Nouvelle-Angleterre, un lieu excentrique dans sa centralité.