16 juin 2022
Martin Minost, « Formes contemporaines d’orientalisme et d’occidentalisme en Chine. L’autre et le soi dans les décorations de logements à Thames Town, Shanghai », HALSHS : archive ouverte en Sciences de l’Homme et de la Société, ID : 10670/1.059bac...
Le processus d’urbanisation que connaît la Chine continentale depuis plus de vingt ans est marqué par l’importation et l’imitation à grande échelle de modèles architecturaux et urbanistiques étrangers. Le paysage des villes chinoises et de leurs périphéries se transforme avec la construction de quartiers résidentiels, d’équipements et de zones commerciales aux atmosphères de villes européennes ou nord-américaines. Les commentateurs, tant Chinois qu’étrangers, architectes, urbanistes ou spécialistes des questions urbaines ont analysé ce phénomène de copie architecturale au prisme de théories ethnocentrées de la mondialisation, percevant ces objets urbains comme la manifestation d’une occidentalisation de la société chinoise en mal de repères symboliques et d’outils d’identification sociale et culturelle.Pourtant, ces études n’interrogent que la forme architecturale des espaces, projetant sur les usagers des aspirations et des logiques qui ne sont pas représentatives de leurs représentations et de leurs comportements. Cette contribution s’appuie sur des enquêtes ethnographiques réalisées entre 2011 et 2016 dans le quartier d’habitation de Thames Town, à l’atmosphère anglaise, situé en périphérie de Shanghai, et plus particulièrement sur les manières d’habiter des résidents. Au sein de logements variés – des appartements comme des villas – les habitants aménagent des intérieurs domestiques caractérisés par un éclectisme des références. Les objets associés aux sociétés étrangères se juxtaposent aux références à la culture chinoise, révélant une articulation complexe des représentations sociales et symboliques de l’Autre et de l’ailleurs comme de soi-même.Loin de correspondre à une acculturation unilatérale, la co-présence d’objets très divers révèle les processus d’appropriation d’éléments culturels étrangers qui sont intégrés dans un ordre chinois, de production d’une image stéréotypée de l’ailleurs, ainsi que de réappropriation d’une culture traditionnelle revalorisée. L’étude de différents intérieurs domestiques permet d’appréhender la fluidité des formes d’occidentalisme et d’(auto)-orientalisme, et les valeurs de prestige et de distinction sociale qui sont associées aux objets culturels d’origines diverses.