2005
Cairn
Jean-Louis Cornille, « Georges Bataille : un rat dans la bibliothèque », Revue de littérature comparée, ID : 10670/1.07bxbp
L’Abbé C., qui signale une déviation par rapport aux motifs jusqu’alors centraux dans l’œuvre de Georges Bataille, fut précédé de plusieurs tentatives avortées. C’est ainsi qu’on admet généralement que La Scissiparité est une sorte de prélude au roman de 1950 ; mais on s’accorde aussi à y voir une suite à Histoire de rats, publiée en 1947. À peine, dirait-on, Bataille a-t-il engagé l’un de ces textes, qu’aussitôt celui-ci se dédouble, donnant naissance à un autre en se divisant. L’écriture s’auto-alimente ainsi, sans l’apport d’une source externe. Idéalement, donc, les textes obtenus ne seraient plus le produit d’un croisement avec des textes venus d’ailleurs ; seulement, un tel modèle d’auto-textualité, voire de scissiparité textuelle, n’est guère tenable. Plus Bataille essaie d’interroger en profondeur ses propres motifs, plus il paraît s’enliser : pour se sortir du marasme, une seule solution – emprunter ailleurs de quoi donner forme à cette masse amorphe. Ces livres sont faits de trop de versions, ils amassent trop de brouillons. Seul un retour à la pratique rassurante de l’intertextualité peut encore sauver de l’engorgement cette entreprise. Incapable d’organiser la masse informe de ses « notes », l’auteur finit par ouvrir celles-ci à la parole structurante d’autrui – une parole externe, par définition étrangère. De fait, un sentiment de déjà lu se dégage des pages d’Histoire de rats ou de L’Abbé C. : on y retrouve ici des renvois à l’œuvre de Kafka, là à celle de James Hogg auxquelles Bataille, peu soucieux de couvrir ses traces, venait alors de consacrer des articles critiques.