« #RestezChezVous » ou l’État sanitaire distribué : Sociologie des contributions numériques ordinaires à la mise en œuvre du confinement

Résumé Fr En

La sociologie de l’action publique suggère que les interactions quotidiennes des individus, qui forment la trame ordinaire sur laquelle se déploie la vie sociale, constituent un facteur essentiel pour la mise en œuvre de certaines politiques publiques. La puissance de l’État et la force obligatoire des dispositions qu’il prend dépendent alors au moins autant de ses ressources propres que des activités des individus. Cette proposition s’avère cependant difficile à mettre à l’épreuve pour des raisons conceptuelles et méthodologiques. Dans ce qui suit, nous proposons de poser les linéaments d’une sociologie des contributions ordinaires à la mise en œuvre d’une politique publique sanitaire à partir du cas du premier confinement de la population française lors de la crise du coronavirus. À partir d’un corpus de messages numériques postés sur le réseau social Twitter®, nous faisons ressortir les formes élémentaires qu’ont pris ces efforts de contrôle social d’autrui déployés sur internet lors du premier confinement. L’article permet de jeter les bases d’une analyse d’un « État sanitaire distribué ».

The sociology of public action suggests that the daily interactions of individuals, which form the ordinary framework upon which social life develops, constitute an essential factor for the implementation of certain public policies. Consequently, the power of the state and the binding force of the measures it takes depend less upon its own resources than on the activities of individuals. However, this proposal is difficult to put to the test of scientific inquiry for conceptual and methodological reasons. In what follows, we propose to lay down the lineaments of a sociology of ordinary contributions to the implementation of a public health policy based on the case of the containment of the French population during the coronavirus crisis. By drawing on a set of digital messages posted on the social network Twitter®, we highlight the elementary forms that this attempt at social control over others deployed via the Internet took during the first containment. This analysis has also enabled this piece of research to build foundations for an analysis of a “distributed health state”.