« By a Lady », signature genrée ?

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2018

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Anne Rouhette, « « By a Lady », signature genrée ? », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.0akbpn


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Lorsque paraît Raison et Sentiments en 1811, le nom de Jane Austen ne figure pas sur la page de titre : l'auteure du roman se dissimule derrière la formule pseudonymique « By a Lady », utilisée depuis la fin du XVII e siècle et particulièrement en vogue dans le dernier tiers du XVIII e siècle, bien que presque inusitée au début du XIX e. L'identité d'Austen, révélatrice de son sexe, était toujours inconnue lorsque Orgueil et Préjugés fut publié en 1813, signé « Par l'Auteur de Raison et Sentiments » (« By the Author of Sense and Sensibility ») ; elle ne commença à circuler qu'à l'automne 1813. Sur les quatre recensions dont ces romans firent l'objet (deux en 1812 pour Raison et Sentiments, deux au printemps 1813 pour Orgueil et Préjugés), trois restent dans le flou lorsqu'il s'agit d'attribuer un sexe à l'auteure. Les pronoms personnels sont évités, des termes masculins à valeur considérée comme « neutre » se voient privilégiés : « the writer » pour la Critical Review en février 1812, « the author » pour le British Critic en février 1813. L'hésitation se fait clairement sentir dans cette dernière recension, qui ne sait quel terme employer : « this author or authoress ». Une seule (Critical Review, mars 1813) choisit nettement le féminin, avec le pronom féminin « she » et le substantif genré « our authoress » 1. Sur quatre critiques, trois n'ont donc pas estimé que la signature « By a Lady » représentait un marqueur convaincant de féminité, d'où le point d'interrogation de mon titre. Cette hésitation est d'autant plus étonnante qu'en ce début de XIX e siècle, la suprématie féminine sur le roman en Grande-Bretagne semble incontestée, tant dans les faits que par l'affichage genré que peut constituer une signature : jusqu'en 1811, 176 romans portent la signature « By a Lady » alors que 12 seulement sont signés « By a Gentleman » 2. « Cette branche de la littérature [le roman] paraît à présent presque entièrement accaparée par les dames [ladies] », lit-on ainsi dans la Monthly Review en 1773 3 , ce qui est toujours le cas en 1811 : selon The English Novel 1770-1829: A Bibliographical Survey of Prose Fiction Published in the British Isles, sur les 84 romans (hors traductions) publiés en 1810, 19 sont anonymes et demeurent non attribués ; 29 portent une signature féminine authentique, 1 On peut retrouver le texte intégral de ces quatre recensions dans Jane Austen-The Critical Heritage, Vol. 1-1811-1870, éd. Brian Southam, London, Routledge and K. Paul, 1986, p. 35-47. 2 Tous les types de signatures comportant l'indéfini « a » et le nom commun « lady » ou « gentleman » ont été retenus dans ces calculs, qui seront détaillés plus bas : « By a Young Lady », « By a Gentleman of Oxford », etc. Le présent article s'appuie sur une recherche menée dans le catalogue ESTC (English Short Title Catalogue) et dans ceux de la British Library et de la Bodleian Library d'Oxford, jusqu'en 1811, date de parution de Raison et Sentiments. Cette recherche a permis la création de deux bases de données portant sur les signatures « By a Lady » et « By a Gentleman » et assimilées, dans lesquelles ont été recensées toutes les oeuvres littéraires originales publiées jusqu'en 1811 sous ces signatures, dans les îles britanniques et aux États-Unis. Pour les ouvrages américains, je n'ai tenu compte que des publications présentes dans les catalogues britanniques et donc a priori disponibles en Grande-Bretagne, puisque je m'intéresse au rapport entre la perception genrée de ces signatures et la réalité de l'auctorialité sur le sol britannique. Les sites EEBO et ECCO ont également été utilisés pour affiner cette recherche, notamment pour préciser le genre de l'oeuvre, ainsi que plusieurs ouvrages, parmi lesquels Living by the Pen: Women Writers in the Eighteenth Century, de Cheryl Turner, London, Routledge, 1994 ; et surtout, pour le roman, The English Novel 1770-1829: A Bibliographical Survey of Prose Fiction Published in the British Isles, de Peter Garside, James Raven et Rainer Schöwerling, 2 volumes, Oxford, Oxford University Press, 2000. C'est un travail toujours en cours à l'heure actuelle, et les données sur lesquelles s'appuie cet article sont donc incomplètes et pour certaines (attributions surtout) sans doute légèrement inexactes. Néanmoins la marge d'erreur (omissions d'ouvrage, erreurs d'attribution) est minime et ne fausse pas les conclusions de l'étude : les quelques modifications apportées à ces bases de données dans les mois qui ont séparé la journée d'études à Paris IV en novembre 2014 et la fin de la rédaction de ces lignes n'ont fait que confirmer les résultats déjà obtenus. 3 « This branch of the literary trade [the novel] appears, now, to be almost entirely engrossed by the Ladies ».

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