2023
Luisa Acosta Córdoba et al., « Le rôle de como dans l’introduction du discours rapporté : l’argumentation au travers l’incarnation du discours dans un débat féministe », HAL-SHS : études de genres, ID : 10670/1.0e3x3a
Jusqu'à présent, uniquement deux travaux (Mihatsch 2009 ; Palacios Martínez 2014), dans une perspective contrastive avec l'anglais, avaient signalé l'existence d'un emploi, plutôt marginal, de como dans l'introduction du DR (discours rapporté). Dans cet article, nous avons approfondi ce sujet, en essayant de montrer la pluralité des emplois de balise du DR de como, dont la description ne doit pas être séparée de la compréhension des caractéristiques (macro)syntaxiques et des traits sémantiques de ses autres rôles (subordonnant, adverbe interrogatif, préposition et adverbe à valeur d’approximation). C'est pourquoi nous ne nous sommes pas contentées de signaler l'existence de l'emploi de balise du DR de como, mais nous avons également tenté d'expliquer cet emploi en continuité avec les autres. Dans notre perspective, la balise como récupère plusieurs possibilités constructionnelles de como, qui en font un élément idéal pour l'introduction des greffes. De même, dans le DR, como conserve la valeur d’approximation de l'adverbe, qui découle à son tour de son rôle dans la construction de la comparaison similative. Parmi les différentes configurations du DR, on distingue une première construction avec verbe dicendi, où como remplace que, et une deuxième construction avec le verbe ser, qui nous semble être assimilé à un présentatif, offrant une importante liberté syntaxique. En ce qui concerne le DR introduit par como, dans la plupart des cas analysés, il s'agit des discours qui interviennent dans des (micro)récits, qui peuvent avoir eu lieu à n'importe quel moment (passé, présent ou futur), dont les acteurs ne sont caractérisés que par certains traits sociaux génériques (être un animal, être un homme, être une femme, être une femme féministe). Ces histoires n'ont pas pour but de raconter des événements situés dans le temps, mais plutôt d'illustrer les archétypes et les idéologies présentes dans la société, telles qu'elles sont perçues par les locuteurs. Autrement dit, nous n’affirmons pas que les discours représentés ici n'ont pas eu lieu ou sont fictifs, mais que les intervenantes n'ont pas l'intention de les présenter comme des faits exacts. Il s'agit plutôt de mettre en évidence, d'illustrer et, parfois, de caricaturer les discours idéologisés qui s'opposent aux leurs, en tant que femmes féministes : les intervenantes incarnent, à travers le DR, ces tensions idéologiques. Como, avec sa valeur approximative, joue un rôle important dans ce travail d'incarnation du discours et devient une stratégie discursive pour rapprocher les questions féministes du public, dans un contexte communicatif où l'objectif n'est pas seulement d'informer, mais aussi de persuader et de créer de l'adhésion (Acosta Córdoba 2020 : 11-12). En ce sens, les structures syntaxiques et macrosyntaxiques décrites sont intégrées dans une stratégie globale d'argumentation, où les (micro)récits participent à l'émergence de séquences complexes qui, pour reprendre les termes de Marti (2017 : 1), combinent l'argumentation directe (logique et ethos) et l'argumentation indirecte (subjective et pathos).