2015
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Maroussia Ahmed et al., « Migrations/Translations », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10.4000/books.pupo.8883
Traversées dans l'oeuvre de Dimitri Bortnikov : expériences d'altérité ou d'aliénation ?Né en Russie en 1968, Dimitri Bortnikov s'installe en France en 1999. Au cours des années 2000, il publie en russe d'abord des récits courts, puis Le Syndrome de Fritz [Синдром Фрица, 2002], Svinobourg [Свинобург, 2003] et La Belle Endormie [Спящая красавица, 2006], à mi-chemin entre romans et autofiction, entre récits initiatiques et romans d'artiste. Le récit initiatique est un type de récit d'apprentissage dans lequel le parcours du héros, semé de difficultés, souffrances, et souvent accompagné de rites symboliques, l'amène à un nouveau palier de l'existence. Le roman d'artiste met en scène le devenir artistique du personnage. En 2008, l'écrivain passe au français avec tout d'abord Furioso, ouvrage de genre mixte qui se présente comme une expérimentation avec un nouveau matériaula langue française. En 2011, il publie une autre oeuvre écrite directement en français, Repas de morts. Ce titre révèle l'importance de la place réservée dans son écriture aux défunts et aux disparus, comme l'indique également la dédicace du Syndrome de Fritz : « À Amin, un gars du Liban, disparu à Paris sans laisser de traces 1 . » Enfin, en 2012, Dimitri Bortnikov fait paraître sa traduction en français d'un recueil de lettres du tsar russe Ivan le Terrible. Le recueil comprend la lettre du tsar à la reine d'Angleterre du 24 octobre 1570, sa première épitre à André Kourbski du 5 juillet 1564, et son épitre, non datée, aux frères du monastère St. Cyrille, à l'abbé Cosima. En effectuant cette traduction, il cherche à conjurer les résonances douloureuses qu'a provoquées en lui la lecture de ces lettres à l'âge de 14 ans, et à exorciser ainsi les démons qui l'habitent.Le ton de ces lettres s'inscrit dans la continuité des monologues des personnages de fiction de Dimitri Bortnikov au point qu'elles peuvent aussi être lues comme faisant partie des apartés des voix narratrices de ses oeuvres précédentes.Le parcours artistique de Dimitri Bortnikov est ainsi atypique : si chez un grand nombre d'écrivains, c'est l'initiation à l'écriture qui implique l'étape de traduction, laquelle joue dans ce cas un rôle désinhibant, car elle permet de recouvrir le mot de l'autre avec sa propre voix, chez lui ce cheminement se déroule dans le sens opposé, et la traduction se présente comme une manière ultime de prêter sa voix artistique à un autre. La traduction 1 BORTNIKOV Dimitri, Le Syndrome de Fritz, [tr. du russe par Julie Bouvard], Lausanne, Noir sur Blanc, 2010, p. 7. Orig. : « Амину, парню из Ливана, пропавшему без вести в Париже », БОРТНИКОВ Дмитрий, Синдром Фрица,