Lutter pas à pas contre l’insécurité : les marches exploratoires de femmes dans les transports en commun lyonnais

Résumé 0

Ce travail analyse, dans une perspective de sociologie de l’action publique, les marches exploratoires organisées depuis 2015 dans les transports en commun lyonnais afin de lutter contre l’insécurité des femmes. Celles-ci consistent à former un groupe d’usagères fréquentes d’une ligne de bus et de réaliser avec elles un diagnostic de terrain pour proposer des recommandations d’améliorations aux pouvoirs publics compétents en termes de sécurité. Pour cela, il revient d’abord sur l’émergence difficile des atteintes envers les femmes en tant que problème public, tout en rappelant la légitimité des peurs féminines et leurs conséquences concrètes sur la mobilité. Ensuite, les modalités de déclenchement et de mise en œuvre du projet sont mises en lumières en mobilisant notamment la notion de « transfert » des politiques publiques, en observant la méthodologie des marches exploratoires au prisme de la latitude laissée aux participantes et en appréhendant les conséquences de leur mobilisation au nom de l’expertise d’« usage ». Cette-dernière conduit en effet à brider la portée des préconisations formulées, à dépolitiser le problème de l’insécurité des femmes dans les transports et à reproduire certains stéréotypes de genre. Enfin, ce travail aborde les effets plus larges des marches exploratoires, à la fois sur les recompositions de l’action publique locale avec l’avènement d’un nouveau « référentiel » du genre et d’une « gouvernance urbaine », et sur les participantes elles-mêmes qui perçoivent grâce à leur engagement certaines « rétributions symboliques » et ressentent un relatif empowerment. Par ailleurs, un encadré dédié envisage les implications du caractère non-mixte de la démarche.