29 novembre 2023
Sené Xavier, « La "Divine tragédie", projet de film d'Abel Gance (1947-1952) », HAL-SHS : histoire de l'art, ID : 10670/1.0nxws7
Abel Gance appréciait particulièrement la forme de l’épopée, a toujours aspiré à l’universalité sans exclure toutefois le nationalisme, considéré comme la base de l’unité, était très méfiant envers les scientifiques et s’est montré un fervent partisan du pacifisme après les horreurs de la première guerre mondiale. On le voit, un sujet tel que la vie du Christ, thème de la Divine tragédie, ne pouvait qu’inspirer Gance. Mais c’est la fin de la seconde guerre mondiale et le cataclysme de la bombe atomique qui lui donnent l’idée-force de son scénario. A bien des égards, la Divine tragédie aurait pu constituer l’œuvre la plus emblématique de Gance. Restée à l’état de projet, elle constitue un document inestimable sur la façon dont travaillait le cinéaste. A travers l’histoire assez rocambolesque du projet, le fil conducteur sera de montrer à quel point l’œuvre de Gance est faite de paradoxes. Comment garder le contrôle d’un scénario, tout en le montrant à des théologiens de diverses confessions et en allant chercher des financements jusque dans les studios américains, peu réputés pour laisser une grande marge de manœuvre aux créateurs ? Le caractère spirituel de l’œuvre pouvait-il l’emporter sur les impératifs matériels de l’industrie du cinéma ? Comment Gance pouvait-il espérer mener de front la réalisation de ce film et celle des nombreux autres projets périphériques ? N’est-il pas paradoxal d’avoir voulu expérimenter dans ce film tant d’innovations techniques, tout en revendiquant une représentation du Christ presque sulpicienne ?