2008
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Anne Bouteaux et al., « Études archéozoologiques de sites javanais du Pléistocène : les sites de plein air du dôme de Sangiran (Java central) et le site en grotte de Song Terus (Java est) », MOM Éditions, ID : 10670/1.0ny0su
Depuis les années soixante, le centre national indonésien pour la recherche archéologique, en collaboration avec l’université Gajah Mada de Yogyakarta, a organisé des campagnes de fouilles sur des sites de plein air du dôme de Sangiran. Ce dôme est l’une des plus riches zones de découvertes paléoanthropologiques dans le Sud-Est asiatique. Ces fouilles ont permis la mise au jour de fossiles d’Homo erectus (plus ou moins fragmentés) et de nombreux fossiles de mammifères sur les sites de Tanjung, Sendang Busik, Ngrejeng Plupuh, Grogol Plupuh et Bukuran. Pendant les années quatre-vingt-dix, une équipe francoindonésienne a fouillé le gisement de Ngebung 2 situé également à Sangiran. La plupart de ces assemblages proviennent des couches volcano-sédimentaires de Kabuh (Pléistocène moyen ancien) déposées dans un contexte fluviatile. Les espèces de mammifères les mieux représentées sont de grands bovidés comme Bubalus palaeokerabau ou Bibos palaesondaicus et des petits cervidés comme Axis lydekkeri. L’étude taphonomique de ces collections est l’une des premières menées sur des assemblages javanais. Le degré de fragmentation des assemblages est important car les esquilles y sont majoritaires. Les dents et les extrémités dominent dans la plupart des assemblages étudiés. L’action de l’eau, qu’elle soit chimique ou mécanique, est prédominante dans l’origine et la modification de toutes ces accumulations. Les carnivores sont quasiment absents du matériel et les traces de leurs actions sont rares. L’influence anthropique n’est pas explicite sur ces gisements, excepté à Ngebung 2. Depuis les années quatre-vingt-dix, l’équipe franco-indonésienne « Mission Quaternaire et Préhistoire en Indonésie » (MQPI) a organisé des fouilles dans de nombreuses grottes karstiques dans la région des Gunung Sewu (Sud-Est de Java). Dans la grotte de Song Terus, les trois niveaux stratigraphiques s’étendent du Pléistocène moyen jusqu’à l’Holocène. De nombreux outils lithiques et des fossiles de mammifères ont été découverts dans ces niveaux. Le premier niveau appelé Terus est daté de 300 000 à 80 000 ans BP. Le second est Tabuhan, daté de 80 000 à 40 000 ans BP et le dernier est Keplek, daté de 12 000 à 5000 ans BP. Une sépulture avec un individu et de nombreux restes d’Homo sapiens ont été mis au jour dans le niveau Keplek. Dans les niveaux Tabuhan et Keplek, l’action anthropique est clairement observée sur les ossements, ainsi que de nombreuses traces de carnivores et de rongeurs. Les traces de fracturation intentionnelle, les stries et les os brûlés ont été étudiés sur des ossements de bovidés et de cervidés. À partir du Pléistocène supérieur, ces traces sont caractéristiques d’une activité de chasse des hommes préhistoriques. À l’Holocène, la chasse s’est orientée vers les macaques (Presbytis sp.). De nombreux ossements retouchés ont été retrouvés dans ce niveau, ils sont caractéristiques d’une véritable industrie osseuse. L’association des restes humains et animaux dans la sépulture indique que de nombreuses parties squelettiques des mammifères ont été utilisées comme offrandes dans les rites funéraires holocènes. La grotte de Song Terus offre une image diachronique de la relation humains-mammifères depuis le Pléistocène supérieur jusqu’à l’Holocène, dans une zone restreinte de Java, en terme d’exploitation des mammifères pour l’alimentation, la matière première et le combustible.