Quelles sources mobilisées pour écrire l'histoire des mondes ouvriers (des années 70 aux années 90) ?

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Quelles sources mobiliser pour écrire l'histoire des mondes ouvriers à Longwy (des années 1970 aux années 1990) ? Doctorant en histoire à l'université de Lorraine, mes recherches portent sur l'évolution du monde ouvrier à Longwy dans le dernier quart du vingtième siècle. Cette période est notamment marquée par un cycle de luttes ouvrières qui se déploie sur plusieurs années dans un contexte national de restructuration de l'industrie sidérurgique débouchant localement sur la suppression de plusieurs milliers d'emplois. La vie sociale, politique et économique de cette étroite vallée du Pays-Haut lorrain, structurée depuis près d'un siècle autour de la sidérurgie, en est profondément bouleversée. Au cours de ce cycle historique (1978-1999), on observe des modes de résistance particulièrement singuliers développés par l'ensemble de la population locale face à une destruction programmée « d'en haut » 1 , mais aussi les effets de la désindustrialisation sur le tissu social, la décomposition/recomposition du monde ouvrier longovicien, l'évolution du mouvement ouvrier dans ce contexte et notamment au prisme de l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. Ces événements sont intégrés dans un cadre national et continental marqué par la restructuration des premières industries 2 , qui charrie son lot de licenciements, de recomposition sociale et de conflits sociaux. Cette étude a comme figure centrale le monde ouvrier sidérurgique longovicien, situé à un moment charnière de son histoire, c'est-à-dire une période historique pendant laquelle une partie de l'identité collective du prolétariat et la manifestation d'une forme de vie prolétaire disparaissent peu à peu et mutent vers autre chose. Car si le prolétariat en tant que catégorie sociale est composé, à travers les siècles, de groupes sociaux hétérogènes, aux intérêts parfois divergents, ce qui fonde son caractère homogène, ce sont des manières d'exister, des manières d'être-au-monde communes, déterminées par le travail. Le bassin de Longwy est exemplaire à ce niveau. En 1978, plus de six milles ouvriers de l'industrie sidérurgique vivent dans l'agglomération 3. Ils forment un groupe social très hétérogène aux nationalités multiples. On devrait d'ailleurs parler plus justement de mondes ouvriers au pluriel, séparés par des différences culturelles (différentes nationalités cohabitent ensemble), politiques (ici articulée autour de l'adhésion ou non au parti communiste) et sociales (selon la classification professionnelle) 4. Ces mondes ouvriers entretiennent entre eux, en interne, des rapports de pouvoirs et de domination. Leurs intérêts ne convergent pas systématiquement. Mais ce qui les fait tenir ensemble, c'est une façon commune de vivre et de travailler. A Longwy, dans les années 1960 et 1970, cette forme de vie prolétaire est caractérisée par la vie dans les quartiers ouvriers, la forte implantation du Parti Communiste (PC), le ciel sans cesse embrumée par les fumées des hauts fourneaux ou rougi par les lumières des process de fabrication de la fonte et de l'acier, le dur travail à l'usine de jour comme de nuit, le fait que PC et patronat se partagent l'animation et la gestion de la vie quotidienne des ouvriers et leur famille. Voilà pourquoi le choix est fait ici de parler de mondes ouvriers au pluriel, à la fois séparés et réunis. L'un des enjeux fondamentaux de ce travail de recherche consiste à appréhender ce qu'a pu signifier vivre à Longwy en tant qu'ouvrier à cette période (les années 1970-1980), où tout à la fois, le groupe social ouvrier est fortement implanté et entame un déclin accéléré par la restructuration industrielle.