2006
Cairn
Céline Bayou, « Le rock russe : Conquérir une liberté intérieure », Le Courrier des pays de l'Est, ID : 10670/1.0pwgju
Apparu en Union soviétique dès les années 1960, le rock a d’abord été assimilé à une contre-culture décadente par les tenants de l’idéologie officielle et, partant, à l’expression, de la part de ses amateurs, d’une résistance au régime. Pourtant, les premiers groupes de rock soviétiques ont plus traduit une opposition de forme (l’esthétique rock) que de fond (des paroles contestataires). En effet, ce style musical n’a pas été un outil de dissidence, mais s’est toujours situé en marge d’un réel engagement politique. Il en va de même aujourd’hui : observateurs attentifs de leur environnement, les musiciens de rock russes le décrivent avec un humour parfois cynique, mais se gardent de vouloir jouer le rôle de contre-pouvoir. Poètes avant que politiques, ils ne situent pas la rébellion de l’esprit rock dans l’opposition à un régime qu’ils apprécient peut-être peu, mais dont ils ne se sentent pas mission d’orchestrer la critique. Leur posture, reflet d’une société en mutation, en dit pourtant long. Que ce soit dans leurs choix de commercialisation de la musique, dans les thématiques abordées par leurs textes ou dans le style musical adopté, les rockers offrent une palette intéressante de créations, qui révèlent à la fois une rupture et un héritage : le rock n’a plus mission de proposer une évasion hors d’un contexte pesant comme c’était le cas jusqu’à la fin de l’URSS, mais il s’inscrit toujours dans une tradition poétique visant plus à trouver une liberté intérieure qu’à provoquer une révolution.