2017
Cairn
Sylvie Douche, « Une mélodie de Charles Bordes au prisme de l’intertextualité », Musurgia, ID : 10670/1.0srv17
S’appropriant un texte littéraire (le plus souvent un poème), le compositeur mélodiste effectue une opération de traduction – au sens littéral du terme – puisqu’il s’agit d’un « passage » d’un langage à un autre. Ce faisant, il crée une œuvre nouvelle et singulière au sein de laquelle se nouent bien des fils d’horizons différents. Le tissage est complexe, mais tirer tel ou tel fil qui le constitue amène à un questionnement intertextuel qui peut aisément trouver ses outils déjà éprouvés dans les théories de l’intertextualité (de Kristeva à Compagnon en passant par Genette, Riffaterre, Ruprecht, Bouillaguet, etc.).Nous proposons une étude de cas précis. En effet, s’emparant en 1895 de la Ve des Ariettes oubliées de Verlaine (1874), Charles Bordes (1863-1909) – contemporain de Debussy – offre son interprétation d’un poème régulièrement mis en musique (il est vrai plus tardivement au xxe siècle, si l’on excepte la version de Förster, 1897). Ce faisant, Bordes y insère une citation musicale de chanson connue, fonctionnant comme un clin d’œil du compositeur à l’auditeur, courant le risque d’une distanciation avec le poème-source. Par ailleurs, ce réseau intertextuel, multipliant les « versions », se joue à d’autres niveaux, puisque la thématique verlainienne est loin d’être originale, que le poème sera traduit dans plusieurs langues, que le dédicataire de l’œuvre entreprend à son tour une adaptation orchestrale de la mélodie, enfin, que le « vieil air » en question fit l’objet d’autres récupérations. Par conséquent, cet emboîtement d’emprunts successifs fournira l’opportunité de réfléchir au rôle de la mémoire dans l’élaboration musicale référencée.