1996
info:eu-repo/semantics/OpenAccess
Jean-Baptiste Orpustan, « La toponymie basque de Bayonne », HAL-SHS : linguistique, ID : 10670/1.0usxbx
La toponymie bayonnaise actuelle, constituée des noms des rues et des places, est presque complètement française. Il n'y aurait pas à répéter cette évidence, si un ouvrage, qui ne prétend du reste, et avec raison, à aucune compétence d'ordre linguistique pour l'étymologie, n'affirmait ceci : « Notre toponymie est gasconne, et non basque » (cf. Les mes de Bayonne. Histoire anecdotique des rues, places & ruelles, par Jean-Marie et Raymond CHABAUD, J&D éditions, 1995, p. 9). Cette affirmation eût été vraie s'il s'était agi par exemple du XIIIe siècle : dans les noms de lieux de cette époque au Livre d'Or de Bayonne et au Livre des Établissements, soigneusement relevés dans un mémoire de DEA d'études basques soutenu à la faculté de Bayonne par Mme Marinette Bidart en 1994, on compte 46 noms différents, parmi lesquels 4 ou 5 sont d'étymologie incertaine ou non romane (Ause, Doer, Bertaco, Mocoron...), les autres étant incontestablement occitans gascons, à une proportion de 90 % donc. Mais depuis le XIIIe siècle, et surtout depuis que le français est devenu à son tout la langue administrative de Bayonne comme de toutes les autres villes de France au cours des XVIe - XVIIe siècles et a remplacé dans cet usage lé gascon médiéval des édiles et d'une bonne partie du peuple bayonnais (qui, lui, fut sinon de tout temps, depuis longtemps en tout cas plurilingue, au moins depuis l'essor de la cité vicomtale, épiscopale et portuaire à partir du XIe siècle, car jusque-là... on ne sait pas grand-chose, et à peu près rien du point de vue linguistique), deux faits se sont produits : la ville a englobé des territoires autrefois extérieurs à elle et intégré de nouveaux noms d'une part, et très largement francisé les noms anciens de l'autre. Le résultat est qu'aujourd'hui, sur les 484 (sauf erreur) noms relevés dans l'ouvrage cité, 84 noms seulement sont sûrement ou probablement des toponymes (parfois d'origine anthroponymique ancienne) gascons ou partiellement gascons, tandis que 16 noms environ sont des toponymes sûrement ou probablement basques. À ce stade, les très nombreux noms d'origine des célébrités et gloires locales donnés aux mes dans les derniers temps (au XIIIe siècle on n'en comptait encore que trois : via de Donzag, arme de Gahuzag, arme de Saubainag) sont évidemment comptés comme des noms de langue française, indépendamment de l'origine linguistique (basque ou romane) des patronymes. Les proportions sont donc respectivement de 20,7 % environ de noms autres que français, répartis en 17,4 % environ de noms gascons et 3,3 % de noms basques, tous ceux-ci ou peu s'en faut hors de l'enceinte de la ville médiévale. Même si la proportion des noms gascons se révèle presque six fois plus importante que celle des noms basques, on ne peut dire ni que ceux-ci sont inexistants, ni que ceux-là forment autre chose qu'une minorité restreinte à environ 1/6e du total.