13 décembre 2018
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Jacopo Chessa, « Évidences du mystère », Presses Sorbonne Nouvelle, ID : 10670/1.0voynx
L’écriture du polar est régie par des règles strictes, qui font de lui un genre parmi les plus consolidés de l’histoire de la littérature. L’expérience italienne des années quatre-vingt-dix, notamment celle qui tourne autour du Gruppo 13, fondé par Carlo Lucarelli, a remis au goût du jour un intérêt évident à l’égard du polar et également de l’écriture audiovisuelle : cinématographique et télévisuelle, en particulier. Dans ses émissions télévisées Blu Notte – Misteri d’Italia, Lucarelli lui-même tente une fusion difficile entre le journalisme d’enquête et une organisation romanesque policière. De la « strage » de Piazza Fontana à la tragédie d’Ustica, à l’enlèvement d’Aldo Moro, quelques-uns des moments les plus dramatiques de l’histoire italienne du XXe siècle sont pris en examen, étant perçus comme une sorte d’« héritage policier » qui concerne le pays tout entier. Dans ce contexte, les règles du polar se transforment en clé de lecture d’une réalité qui échappe à l’interprétation et, notamment, à toute explication historique. Le mystère classique du polar est entendu ici comme un mystère collectif, une expérience « politique » à laquelle on ne peut échapper. Néanmoins, il ne s’agit point de trouver des coupables, mais de soulever des interrogations, de mettre en relief, au travers de documents filmiques et de petites mises en scène, les détails que le simple regard ne voit point. Dans ma communication, j’analyserai en particulier les modalités de présentation filmique, dans leur rapport avec la littérature, de ce que l’on pourrait définir l’« évidence du mystère » : ce qui est sous les yeux de tous, mais qui, justement pour cela, devient invisible, inacceptable.