2021
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Gildas Loirand, « L’expérience passée du sociologue comme archive incorporée. Remarques sur une méthode illégitime », HAL-SHS : histoire, philosophie et sociologie des sciences et des techniques, ID : 10670/1.0w8wbe
Le chapitre de Gildas Loirand s’intitule « L’expérience passée du sociologue comme archive incorporée. Remarques sur une méthode illégitime ». Son propos pourrait se résumer ainsi : lors de leurs enquêtes de terrain, qu’elles soient basées sur l’observation ou sur la participation, une majorité de sociologues font comme s’ils comprenaient les positions et les dispositions des « indigènes » qu’ils étudient, sans pour autant expliciter leur rapport à une distanciation méthodologique qui, d’après l’auteur, les empêche de comprendre par corps ce que l’indigène éprouve et a éprouvé au cours de sa socialisation (l’exemple de l’apprentissage de la boxe par Loïc Wacquant est cité). Afin de contourner cet écueil, Loirand propose une « sociologie réalisée a posteriori » qui s’axe sur une sorte d’anamnèse corporelle, au cours de laquelle le capital corporel de l’indigène devient interprétable dès que ce dernier parvient à appliquer, avec méthode, une socio-analyse. Pour illustrer l’interprétation de cette archive incorporée, Loirand explique le lien sociologique qu’il entretient avec son passé de parachutiste de haut niveau : « le réveil de mes anciennes expériences […] les affects et les représentations qui avaient autrefois été les miens […] ont orienté mes jeux de classement et de catégorisation […] [et] ce sont […] ces sentiments expérientiels qui, remis en scène par la mémoire, ont par la suite favorisé l’interprétation des données statistiques ». Voilà résumé le principe d’une « sociologie a posteriori ». Pour autant, Loirand ne cesse de s’interroger sur la légitimité de son approche, puisque de nombreux sociologues dont les travaux concernent les « activités physiques et sportives » préfèrent taire leur « habitus indigène », peut-être pour paraître irréprochables dans leur méthodologie (Bruno Papin avec la gymnastique sportive, Gilles Raveneau avec la plongée, etc.). C’est donc avec humilité que Gildas Loirand définit sa démarche comme « un accès favorisé aux données du terrain » et une « ressource interprétative », le temps long de la pratique du parachutisme facilitant sa compréhension de ce que pensaient réellement les autres pratiquants de ce sport à propos des conduites dangereuses. Et de conclure sa démonstration : « c’est […] par sa capacité à réfuter des interprétations antérieures proposées par des analystes n’ayant pour expérience que celle contractée sur le temps de leur enquête, voire aucune, que le traitement sur mode de l’archive incorporée d’une expérience indigène peut apporter à la connaissance ». Ainsi, avec sa « sociologie a posteriori », Gildas Loirand encourage les étudiants comme les chercheurs en sciences sociales à analyser avec méthode leur propre « habitus indigène », ce qui diversifierait les terrains et, par conséquent, la connaissance sociologique.(Résumé par Sacha Demazy, https://journals.openedition.org/lectures/49603)