Engagements étudiants en Algérie post-22 février. Sociohistoire d’un mouvement « désenchanté »

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22 décembre 2023

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Siham Beddoubia, « Engagements étudiants en Algérie post-22 février. Sociohistoire d’un mouvement « désenchanté » », L’Année du Maghreb, ID : 10670/1.0ypqhn


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Dès le déclenchement du hirak, les étudiants algériens se mobilisent à travers le territoire national : en effet, le premier mardi qui suit le 22 février, les étudiants sont les premiers à sortir dans la rue pour soutenir les revendications. Ainsi, naît une tradition appelée « les mardis des étudiants », qui traduit le début de la structuration du hirak à travers diverses catégories militantes réclamant la fin du régime en place. Ces étudiants, qu’ils soient intégrés au sein des organisations estudiantines déjà existantes ou non, participent massivement durant les premiers mois du hirak aux marches du mardi ainsi qu’à celles du vendredi. Ils mettent en avant les mêmes revendications populaires des « vendredistes ». Ces étudiants scandent des slogans antisystème, organisent des grèves et rejettent plusieurs initiatives de sortie de crise initiées par le pouvoir. Ce mouvement dans sa structuration apparaît comme intimement lié à des luttes antérieures au 22 février et semble se positionner dans la continuité des questions qui n’ont pas été tranchées, comme celles, déjà, de 2011 dans le contexte des révolutions arabes, mais aussi bien avant (rejet du système licence-master-doctorat dit LMD, autonomie étudiante, changement de régime…). Ce texte revient sur l’engagement des étudiants dans le hirak à partir du 22 février 2019, avec un focus sur le Rassemblement des étudiants libre d’Oran. La volonté première est de dépasser les analyses euphoriques centrées sur l’aspect massif des marches étudiantes porteuses d’espoir, et qui ont été mises en avant par plusieurs observateurs du hirak étudiant. Il s’agit de tenter de comprendre les tenants et aboutissants de ce mouvement par le bas. En effet, l’affaiblissement du mouvement sous le coup de la répression déjà dans le contexte pré et post-élection du 12/12 puis par les restrictions de regroupements dus à la pandémie du coronavirus interrogent sur les effets de continuité/discontinuité et de mobilisation/démobilisation au sein du hirak étudiant. Une observation continue des marches et des discussions poussées avec plusieurs acteurs du mouvement font ressortir plusieurs constats. Ce texte met en évidence deux temps du hirak étudiant. Un premier, où l’histoire nationale a été un élément rassembleur : les étudiants semblent vouloir participer à l’écriture du roman national ; ils puisent ainsi dans la rhétorique des mémoires et de l’histoire à travers des slogans, des chants liés au mouvement national et des symboles de la guerre de libération nationale. Ainsi, on assiste à une réelle volonté de réinvestir le champ des luttes et de redynamiser les revendications autour de la question démocratique. Le second temps, lui, est plus complexe, car le hirak de manière générale impose très rapidement la nécessité du dialogue et les premiers clivages émergent autour de la question de la représentation, mais aussi sur le dilemme idéologique. En effet plusieurs courants se disputent au sein de ce mouvement. Les étudiants sont ainsi amenés à questionner leurs appartenances idéologiques (islamiste, « pagsiste », extrême gauche, proche du pouvoir). Pour beaucoup d’entre eux, leur socialisation familiale explique leur disponibilité biographique, notamment à travers une représentation de l’histoire de l’Algérie différente d’une histoire officielle ayant tendance à occulter certaines composantes du Mouvement national. La cohésion première autour d’un répertoire symbolique national est ainsi confrontée aux clivages idéologiques et politiques antérieurs au 22 février dans lesquels les étudiants peinent à trouver leur place ou du moins semblent désenchantés par la situation globale. Il reste à réfléchir sur leurs devenirs militants…

As soon as the hirak broke out, Algerian students have been mobilizing across the country: on the first Tuesday after 22 February, students were the first to take to the streets in support of the hirak's claims. This gave rise to a tradition known as "Student Tuesdays", which marked the beginning of the structuring of the hirak through various categories of activists calling for an end to the current regime. During the first months of the hirak, these students, whether or not they were members of existing student organisations, actively participated in the Tuesday and Friday marches. They put forward the same popular demands as the "Friday protesters". These students chanted anti-system slogans, organised strikes and rejected several of the government's initiatives to end the crisis. The structure of this movement appears to be closely linked to struggles that predate 22 February, and it seems to be following on from issues that have not yet been resolved, such as those of 2011 in the context of the Arab revolutions, but also much earlier (rejection of the LMD system, student autonomy, regime change, etc.). This text looks back at the involvement of students in the hirak from 22 February 2019, with a focus on the Rassemblement des étudiants libres d'Oran. The primary aim is to go beyond the euphoric analyses focused on the massive scale of the hopeful student marches, which have been put forward by several observers of the student hirak. We need to try and understand the ins and outs of this movement from below. The weakening of the movement as a result of repression in the pre- and post-election context of 12/12 and the restrictions on gatherings due to the coronavirus pandemic raise questions about the effects of continuity/discontinuity and mobilisation/demobilisation within the student hirak. Continuous observation of the marches and in-depth discussions with several of the movement's protagonists have highlighted a number of observations. This text highlights two phases of the student hirak. Firstly, national history was a unifying element: the students seemed to want to take part in writing the national novel; they drew on the rhetoric of memories and history through slogans, songs linked to the national movement and symbols of the war of national liberation. In this way, there was a real desire to reinvest the field of struggle and revitalise demands around the issue of democracy. The second phase was more complex, because the hirak in general very quickly imposed the need for dialogue and the first divisions emerged around the issue of representation, but also on the ideological dilemma. Indeed, several currents of thought were at odds within the movement. The students were led to question their ideological affiliations (Islamist, “pagsiste”, far left, close to the government). For many of them, their family socialisation explains their biographical availability, particularly through a presentation of the history of Algeria that differs from an official history that tends to obscure certain components of the National Movement. The initial cohesion around a national symbolic repertoire is thus confronted with the ideological and political cleavages that existed before 22 February, in which the students struggle to find their place, or at least seem disenchanted by the overall situation. We still have to think about their future as activists...

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