Qu’est-ce que l’homme ? La réponse de l’anatomiste ou la médecine comme anthropologie chez André du Laurens

Résumé Fr

Que l'anthropologie ait pris appui, au XIX e siècle, sur la physiologie et l'anatomie est un fait connu de l'histoire de cette science humaine. Marquée par l'influence du positivisme, l'anthropologie cherchait alors dans la médecine une forme de légitimité scientifique. Paul Broca (1824-1880), dont la carrière oscille entre médecine et anthropologie, incarne par excellence ce compagnonnage entre les deux discours : il localisa le siège de la faculté de langage articulé dans la troisième circonvolution frontale gauche du cerveau, et mit ainsi en évidence l'asymétrie des deux hémisphères cérébraux ; cette image de l'être humain a servi de « cadre d'interprétation et de référence à la dualité de l'homme et de la femme tout comme à celle des peuples 'civilisés' et des peuples 'primitifs', qui caractérisent le discours anthropologique du XIX e siècle ». Ce que l'on sait sans doute moins est que la médecine elle-même a été porteuse d'un discours anthropologique. C'est le cas avec l'anatomie de la Renaissance qui, sans qualifier comme telle cette caractéristique, a assumé de manière explicite l'ambition de répondre à la question : « qu'est-ce que l'homme ? ». Le facteur déterminant de cette rencontre entre discours médical et discours anthropologique à la Renaissance a été la nécessité, ressentie par certains anatomistes, de justifier leur pratique au regard de la religion chrétienne, catholique ou protestante. Ce point est illustré ici par l'analyse du discours d'André du Laurens