“Contrasting Visions on Collapsing and Struggles for Land. The Case of a Zone to Defend” Des visions contrastées de l’effondrement. Le cas d’une zone à défendre En Fr

Résumé En Fr

his article examines the temporal and ecological grammars of the zone à défendre in Notre-Dame-des-Landes (Brittany, France), an emblematic environmentalist struggle and a project of political autonomy that spanned between 2012 and 2018. The zone à défendre, or Zone to Defend (ZAD) refers to the resistance movement to the building of an airport. Initially led by local elected officials and a local residents’ association, the ZAD was joined by new occupiers in 2010, most of them from the autonomous anarchist movement. The occupation lasted from 2012 until 2018 and included around sixty collective dwellings set up in a fragile environment to be preserved. Continued resistance and self-defence led public authorities to abandon the airport project in 2018. Our study does not deal with the history of the struggle or the ZAD’s social organization, but rather questions the different temporal and ecological representations at work in this quest for emancipation. Through the mobilization of an array of values and emotions, the ZAD expressed preoccupation with ultimate endings and the survival of the world, which intersected with a critique of capitalism and institutions, and more generally with social critique.The study sets out with a theoretical hypothesis concerning the temporal grammars likely to be at work in this kind of autonomous experiment. Its particularity is that it gets past the utopian imaginary and the great revolutionary narratives, and anchors itself in the “here and now”, giving maximum value to this present as finite time of collapsing within which radical subjectivities can be born. My hypothesis feeds in particular on the concept of exodus as developed in political philosophy. It is linked to a sociological observation which shows that, beyond certain commonalities, there is a wide variety in the actors’ practices. While the autonomous anarchist actors were united in their attempt to create self-instituted time-spaces separated from the outside world and in their common quest for emancipation, the ZAD appeared as a community of contrasting values, as the actors’ relationships to time, habitability and economy showed. This arises from the second part of the analysis, which focuses on the eastern sector of the ZAD, where the relationship with the environment was the most comprehensive. The third section examines the relationship between the collectives (or inhabitants) and productive activities, in the light of their temporal conceptions of a more or less symbolic exodus. Eventually, it appears that the collapsing, as the preoccupation with ultimate ending, gives rise to diverse ecological commitments, ranging from autonomy to extreme environmentalism bordering on asceticism. The climate crisis, therefore, has the potential to emancipate individuals and communities and to transform environmentalism itself.

L’article porte sur les grammaires temporelles et écologiques de la zone à défendre (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes (Bretagne, France), une lutte environnementale emblématique concernant un projet d’autonomie politique. Cette ZAD est née d’un processus de résistance à la création d’un aéroport. D’abord animée par des élus locaux et une association de riverains, elle fut ensuite rejointe, en 2010, par de nouveaux occupants issus pour la plupart des mouvances autonomes anarchistes. L’occupation s’est étendue de 2012 à 2018. Elle incluait une soixantaine de « bases de vie », c’est-à-dire des résidences collectives installées dans un milieu fragile, à préserver. La résistance et l’autodéfense continues ont amené les pouvoirs publics à abandonner le projet d’aéroport en 2018. L’étude menée ici ne concerne pas l’histoire de cette lutte, ni l’organisation sociale de la ZAD, mais un questionnement sur les différentes représentations temporelles et écologiques qui sont à l’œuvre dans cette quête d’émancipation. La ZAD traduit en effet, à travers une série de valeurs et d’émotions, une préoccupation sur les fins et sur la survie du monde qui croise la critique du capitalisme, des institutions et, plus généralement, la critique sociale. L’analyse s’appuie sur une hypothèse théorique concernant les grammaires temporelles qui sous-tendent ce type d’expérience autonome. La particularité de cette expérimentation est d’évacuer l’imaginaire utopique et les grands récits révolutionnaires pour s’ancrer dans l’« ici et maintenant » et, simultanément, de valoriser le temps présent, conçu comme un temps fini, celui de l’effondrement, où peuvent naître des subjectivités radicales. Notre hypothèse est ici nourrie par le concept d’exode que l’on trouve en philosophie politique dans les travaux du philosophe Giorgio Agamben. Elle s’articule avec une observation sociologique montrant qu’au-delà de points d’appui communs, une grande disparité caractérise les pratiques des acteurs. Si les autonomes anarchistes sont liés par la tentative de mettre en place des espaces-temps auto-institués, séparés de l’extérieur, et par une quête commune d’émancipation, la ZAD apparaît comme une communauté aux valeurs contrastées, autant dans les rapports au temps, à l’habitabilité qu’à l’économie. Cela ressort de la seconde partie de notre analyse, qui concerne la partie Est de la ZAD, où le rapport à l’environnement est le plus intégral. Dans un troisième temps, ce sont ceux qu’entretiennent les collectifs (ou les individus) avec les activités productives qui seront examinés, à la lumière de leurs conceptions temporelles visant un exode plus ou moins symbolique. Au finale, il apparaît que l’effondrement, en tant que préoccupation des fins, donne lieu à des engagements écologiques divers, allant de l’autonomie à l’écologie intégrale confinant à l’ascèse. La crise climatique détient donc un potentiel émancipateur, individuel et collectif, qui transforme l’écologie elle-même.

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