2008
Cairn
Philippe Régnier, « À l'assaut des théories du développement : regards francophones sur les succès asiatiques », L'Homme & la Société, ID : 10670/1.1b6a55...
Le décollage des pays d’Asie orientale à partir des années 1960-1970 a ébranlé le concept de Tiers-Monde. Il a aussi remis en cause la perception du sous-développement à l’heure des décolonisations et des indépendances, et au fur et à mesure que le phénomène asiatique s’est étendu jusqu’à nos jours, à une échelle inégalée dans l’histoire de l’humanité. Ce phénomène a été analysé essentiellement par des organisations internationales comme la Banque Mondiale ou l’OCDE, par des chercheurs anglo-saxons, et quelques japonais rarement traduits. La contribution francophone n’est pas restée totalement en marge de cette production scientifique internationale, mais sa reconnaissance des « miracles » asiatiques comme interpellations des théories du développement a été discrète et tardive. Elle s’est orientée autour de quelques auteurs dans une analyse fortement concentrée sur le concept de l’État-développeur et sur une réfutation de la seule prédominance des forces du libre marché. Cette contribution n’a guère trouvé de second souffle à la faveur de la crise financière asiatique de 1997-1998. Alors que s’ouvrait un grand débat international sur les crises possibles de la mondialisation, elle est restée presque muette sur les vertus et les limites des stratégies de « rattrapage » adoptées par les États-développeurs asiatiques durant les « Trente glorieuses » (1960-1990) et sur leurs capacités à redéfinir leurs modes de mobilisation des ressources nationales et de redistribution des fruits d’une croissance graduellement retrouvée à partir de l’an 2000.Si l’obsolescence du concept de Tiers-Monde semble se confirmer définitivement au seuil du XXIe siècle avec la montée en puissance de la Chine et de l’Inde, voire d’autres économies émergentes, une question majeure se pose aussi bien en termes de rétrospective que de prospective de l’histoire du développement. La nouvelle trajectoire des deux géants chinois et indien épousera-t-elle le paradigme d’une industrialisation déjà tracée par l’Occident et le Japon depuis le XIXe siècle, reproduite par les nouveaux pays industrialisés d’Asie orientale à la fin du XXe siècle, ou bien forge-t-elle dès à présent les prémices de nouveaux concepts susceptibles de reconfigurer la mondialisation ?