16 novembre 2018
Ce document est lié à :
info:eu-repo/semantics/reference/issn/2110-5855
, info:eu-repo/semantics/openAccess
Gilles del Vecchio, « Du roman de chevalerie au roman picaresque : la rupture du lignage », Collection Filiations, ID : 10670/1.1bfxr4
Après un demi-siècle de succès, le roman de chevalerie est concurrencé par de nouveaux genres. Dans cette filiation textuelle, tout comme dans la reconstitution d’une généalogie, les descendants affichent une identité propre tout en conservant un élément « génétique » permettant de les rattacher à la lignée dont ils sont issus. Le voyage et l’aventure rattachent le roman byzantin au roman de chevalerie ; l’amour et la tendance à l’idéalisation rattachent les romans pastoraux au genre chevaleresque. Le Lazarillo, considéré comme le texte fondateur du roman picaresque, s’éloigne radicalement du roman de chevalerie. La noblesse du comportement ne trouve pas sa place dans l’œuvre, les personnages de sang royal ont disparus au même titre que les combats et que les sentiments amoureux. Pourtant, l’organisation du début de l’œuvre ainsi que l’insistance particulière accordée à la généalogie et aux circonstances de la naissance établissent un lien étroit avec le roman de chevalerie. Ces points communs ne font que mettre en évidence la distance qu’adopte par la suite l’auteur anonyme. Lazarillo, en affichant la bassesse de ses origines, tourne le dos à une société qui, en dépit des difficultés qui se présentent à elle, conserve un penchant immodéré et déplacé pour la généalogie. En prenant directement la parole et en retraçant ses origines modestes, voire infamantes, le héros picaresque réclame le droit d’exister et d’aspirer à mieux dans une société où, en définitive, les plus démunis sont suffisamment nombreux pour qu’une telle requête soit considérée comme pleinement légitime. Nul besoin, dans ces circonstances, d’afficher son appartenance à une lignée prestigieuse. Le culte des apparences ne suffit plus à masquer la priorité des priorités : avoir quelque chose à se mettre sous la dent.