18 juin 2024
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Karin Ueltschi, « LA QUESTION FORMULAIRE : FORMULE MAGIQUE OU RÉMINISCENCE MYTHIQUE ? À propos de la Mesnie Hellequin. », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.1c8793...
Dans la littérature médiévale française, des questions aux étranges résonances jalonnent certains textes comme autant de pierres d’achoppement, en particulier dans les contextes banalisés de l’aventure chevaleresque, mais en réalité dans le sillage de la figure mythique du Chasseur sauvage dont les textes brouillent volontiers jusqu’à l’identité. Ces questions, sans lien véritable avec le contexte, au contraire s’imposent par une nette rupture de ton, comme si le locuteur (re)citait un ensemble de syllabes étrangères à lui-même et dont le sens profond lui échappe : elles ont un caractère herméneutique et se présentent comme une parole venue de l’ailleurs.Or, ces formules interrogatives apparaissent dans une récurrence remarquable, comme un signal de l’imminence de l’apparition de Hellequin, nom du Chasseur sauvage dans notre ancienne littérature. Elles s’imposent ainsi comme un véritable mythème énonciatif qui portent sur l’identité, la tête, plus exactement ce qui la couvre : Quomodo tam pulchram cappam habetis ? demande un clerc à son serviteur défunt qu’il voit lui apparaître en pleine nuit. Pourquoi portes-tu une si jolie cape – qui te dissimule si bien, faudrait-il ajouter ? Et, à moi, demande ailleurs un personnage serviteur de Hellequin, me siet-il bien li hurepiaus, mon chapeau me va-t-il bien ? Et ailleurs encore, d’autres personnages assimilés à des gens de la famille Allequini, se promenant à cheval et opinant de la tête se complimentent fièrement en répétant eux aussi la même question. Ainsi, cette question rituelle et formulaire n’a pas seulement une dimension performative – faire apparaître une troupe de fantômes – mais véhicule également une allusion à un ancien mythe pré-littéraire dont elle perpétue, de manière mystérieuse, la mémoire.