2018
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Adrienne Boutang, « De la distance érotique à la proximité charnelle : du corps féminin fétichisé au corps féminin comique », HAL-SHS : histoire de l'art, ID : 10670/1.1dgwa9
Cet article interrogera la possibilité de dépasser une représentation érotisée du corps féminin, dans ce qu’elle comporte de distance et d’aliénation, pour lui substituer des représentations « de l’intérieur », fondées sur l’intimité et la proximité. S’il est vrai, comme l’écrivait Molly Haskell (1974), que les femmes se sont vues, dans les représentations culturelles, réduites à l’alternative entre méfiance et objectification, ou, plus fortement, à la binarité entre répulsion et désir, est-il possible d’imaginer des représentations du corps féminin qui dépassent la distance induite par l’érotisme ? Par-delà l’assimilation de la féminité à la maternité, la question posée par la citation d’ouverture est la suivante : le corps féminin – les corps féminins, dans leur diversité – se prêtent-ils à un usage comique ? On s’attachera ici spécifiquement, dans une perspective centrée sur les distinctions de genre, et mobilisant des catégories anthropologiques, au comique corporel, et même à une sous-catégorie définie par Bakhtine, le grotesque, mobilisant les fonctions corporelles supposément « basses ». (Bakhtine 1970). Kristen Anderson Wagner (2015 : 39) fait remonter au dix-neuvième siècle l’idée préconçue selon laquelle la féminité serait particulièrement incompatible avec l’humour, entendu comme recherche intentionnelle de la production d’un effet comique (Elgozy 1979 : 14). Cette répartition genrée a été souvent rattachée à des stéréotypes sociaux opposant à la passivité féminine l’activité masculine, « la femme réceptive et l’homme producteur » (Cezard 2012, Provine 2003). Traditionnellement, affirme ainsi Wagner, les femmes ont été considérées comme « trop émotives, trop passives et trop moralement pures pour accomplir des performances comiques, qui peuvent s’avérer rebelles, tapageuses et conflictuelles. » Elle ajoute que « les femmes ont historiquement été placées dans la position de gardiennes morales de la société, une position qui les exclut encore davantage du champ comique ».