Procédé roussellien et contrainte oulipienne, Europe, no 1104 : “Raymond Roussel”, Mathieu Jung (dir.)

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20 mai 2021

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Hermes Salceda, « Procédé roussellien et contrainte oulipienne, Europe, no 1104 : “Raymond Roussel”, Mathieu Jung (dir.) », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.1e70fb...


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Résumé En Fr

Placing Roussel among the Oulipo's plagiarists by anticipation may seem obvious to amateurs of the Oulipo, but such a gesture is fraught with theoretical implications. It implies taking a position on Roussel's reception. Making Roussel one of the Oulipo's most illustrious plagiarists by anticipation means doing away with the Raymond Roussel literary myth (associated, to put it briefly, with the dandyism of the late nineteenth century), It also means separating the author from the practices of the contemporary avant-gardes, which have largely ensured his survival in the literary field; it also means insisting on the vital importance of the Process in Roussel's writing, and making the author a travelling companion in the Oulipian adventure.At the same time, to include Roussel among the pre-Oulipians is also to place Rousselian thought and practice below that of the Oulipians. However, this is only fair in certain respects, notably with regard to Roussel's purely utilitarian conception of the Process and his lack of global thinking about the text. On other points, however, the situation is much less clear-cut. We might well ask whether Roussel is pre-Oulipian or already post-Oulipian in the way he posits a radical separation between the world and the space of writing. Even if Roussel does not have a theory of potentiality like the Oulipians, his unshakeable confidence in his Process makes him an exemplary writer of constraint.Moreover, the Rousselian experience, both in its simplicity and in its radicalism, continues to raise a number of questions which seem to me to be equally valid for Oulipists:The first, as we have seen, concerns the compatibility or incompatibility of constrained writing and autobiographical writing.The second concerns the eternal debate about the reception of constrained texts. Can they really be read without constraint, as is sometimes claimed for Roussel?The third is the relationship between Roussel's writing and surrealism. In my opinion, Roussel studies have not yet provided a solidly argued answer to this question, but it is probable that if such an answer were to exist, it would also apply to Ulypian texts.Finally, one of the peculiarities of the Roussellian experience is that it relies entirely on constrained writing to achieve its glory, to become the greatest and most original of all the authors who have ever existed. In other words, paradoxically, he uses constraint as a means of projecting his ego to the full.Of course, this inordinate projection of the ego through constraint can be seen as a contradiction between a materialistic writing technique and exercises in the affirmation of one's own genius, but it can also be said that Roussel opens the door to the new forms that the twentieth century will take in the exhibition of the genius of the writer, who, through complex constructions, never ceases to display his intelligence in order to be admired.

Situer Roussel parmi les plagiaires par anticipation de l’Oulipo semble relever de l’évidence pour des amateurs de l’Oulipo, pourtant un tel geste est lourd d’implications théoriques. Il suppose, en effet, une prise de position quant à la réception de Roussel. Faire de Roussel un des plus illustres plagiaires par anticipation de l’Oulipo c’est en effet se débarrasser du mythe littéraire Raymond Roussel (associé, pour faire vite, au dandysme de la fin du dixneuvième), c’est aussi séparer l’auteur des pratiques des avant-gardes qui lui sont contemporaines et qui ont en grande partie assuré sa survie dans le champ littéraire, c’est aussi insister sur l’importance capitale du Procédé dans l’écriture roussellienne et faire de l’auteur un compagnon de voyage de l’aventure oulipienne.En même temps, inscrire Roussel parmi les pré-oulipiens c’est aussi placer la pensée et les pratiques rousselliennes en-deçà de celles des oulipiens. Or, cela n’est juste qu’à certains égards, notamment en ce qui concerne la conception purement utilitaire du Procédé et le manque de pensée globale du texte chez Roussel. En revanche, sur d’autres points la situation est beaucoup moins claire. On peut, en effet, se demander si Roussel est préoulipien ou déjà postoulipien dans sa façon de poser une séparation radicale entre le monde et l’espace de l’écriture. Même si Roussel n’a pas une théorie de la potentialité comme en ont les oulipiens sa confiance inébranlable dans son Procédé fait de lui justement, un écrivain à contrainte exemplaire.Par ailleurs, l’expérience roussellienne, à la fois dans sa simplicité et dans sa radicalité, continue de poser nombre d’interrogations qui me paraissent aussi valables pour les oulipiens:La première d’entre elles nous l’avons vu, concernerait la compatibilité ou l’incompatibilité de l’écriture à contrainte et de l’écriture autobiographique.La deuxième concernerait l’éternel débat de la réception des textes à contraintes. Peut-on vraiment les lire sans la contrainte comme on le prétend parfois pour Roussel ?La troisième pourrait concerner les rapports de l’écriture de Roussel au surréalisme. À cette question les études rousselliennes n’ont à mon sens pas encore fourni de réponse solidement argumentée, mais il est probable que si cette réponse en venait à exister elle s’appliquerait aussi aux textes oulipiens.Enfin, une des particularités de l’expérience roussellienne est de faire entièrement confiance à l’écriture à contrainte pour la réalisation de sa gloire, pour devenir le plus grand et le plus original de tous les auteurs n’ayant jamais existé. C’est-à-dire de faire paradoxalement de la contrainte un lieu de projection maximale de l’égo.On peut certes voir dans cette projection démesurée de l’égo dans la contrainte une contradiction entre une technique d’écriture matérialiste et les exercices d’affirmation de son propre génie, mais on peut aussi dire que Roussel ouvre la porte aux nouvelles formes que va adopter au XXe siècle l’exhibition du génie de l’écrivain qui ne cesse, à travers des constructions complexes, d’exhiber son intelligence, pour qu’on l’admire.

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