Du neuromarketing à Eisenstein : l’oculométrie à la croisée des chemins

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30 janvier 2025

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Dork ZABUNYAN, « Du neuromarketing à Eisenstein : l’oculométrie à la croisée des chemins », Déméter. Théories et pratiques artistiques contemporaines, ID : 10.54563/demeter.1765


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Les développements de l’oculométrie à la croisée du marketing et des neurosciences sont connus. Harun Farocki l’avait en partie montré dans son documentaire intitulé Les Créateurs des mondes d’achat (2001). L’étude des mouvements oculaires trouve en outre un prolongement biométrique du côté des sociétés de contrôle contemporaines, lesquelles transforment notre système de vision en une donnée d’identification, au même titre que la reconnaissance faciale. L’oculométrie se déploie également dans le domaine des études filmiques, surtout dans le monde universitaire anglo-saxon. L’examen du mouvement des yeux sur des images elles-mêmes en mouvement peut faire l’objet de différents usages, dont certains se focalisent principalement sur l’attention que nous portons à la narration filmique. En découlent des règles formelles et scénaristiques destinées à établir une sorte de « synchronie attentionnelle » devant l’image, signe que l’intérêt du public pour le film se maintient dans le temps de son déroulé. Plusieurs problèmes se posent cependant : que faire des mouvements oculaires qui ne correspondent pas à cette synchronisation des regards ? Comment mesurer ce qui échappe à l’élément narratif dans un film, sur lequel l’oculométrie se concentre ? Et, par ailleurs, comment comprendre des conceptions du cinéma qui entendent forcer le regard (comme en témoigne le « ciné-poing » d’Eisenstein) ou diriger le spectateur (comme s’en vantait à juste titre Hitchcock), sans pour autant tomber dans la dimension normative du neuromarketing actuel ? Il s’agira moins ici d’utiliser l’oculométrie pour vérifier la pertinence de ces conceptions, que de considérer ses mesures comme une voie possible pour remonter vers un acte de création toujours singulier. Un détour par le « troisième sens » de Roland Barthes nous permettra d’ouvrir la science de l’eye-tracking pour la déplacer du côté d’un incommensurable filmique.

Developments in eye-tracking at the crossroads of marketing and neuroscience are well known. Harun Farocki demonstrated this in part in his documentary The Creators of the Shopping Worlds (2001). The study of eye movements has also found a biometric extension in contemporary society of control, which transform our vision system into a form of identification data, in the same way as facial recognition. Oculometry is also being applied to film studies, especially in the Anglo-Saxon academic world. The examination of eye movement on images that are themselves in motion can be put to a variety of uses, some of which focus primarily on our attention to filmic narrative. The result is a set of formal and scenic rules designed to establish a kind of “attentional synchrony” in front of the image, a sign that the audience’s interest in the film is maintained as it unfolds. A number of problems arise, however: what to do with eye movements that don’t correspond to this gaze synchrony? How can we measure the non-narrative elements of a film, on which eye-tracking focuses? Moreover, how can we understand conceptions of cinema that aim to force the gaze (as evidenced by Eisenstein’s “kino-fist”) or direct the viewer (as Hitchcock rightly boasted), without falling into the normative dimension of today’s neuromarketing? The aim here is not so much to use eye-tracking to verify the relevance of these conceptions, as to consider its measurements as a possible pathway back to a creative act that is always singular. A detour via Roland Barthes’ “third sense” will enable us to open up the science of eye-tracking and move it towards a filmic immeasurability.

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