21 juin 2020
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Audrey Courbebaisse et al., « Appropriation et solidarité pour conjurer l'avenir inquiétant », HAL-SHS : architecture, ID : 10670/1.1icll2
De sombres lendemains s’annoncent avec le réchauffement climatique et les inégalités croissantes dénoncées par de nombreux économistes. Dans ce contexte, l’habitation est un des éléments permettant de conjurer la précarité. A ce sujet, les politiques publiques affichent la fourniture d’un logement pour tous et l’aide à l’économie d’énergie sous des formes essentiellement technicistes et normatives, déconnectées des contextes locaux et socialement mal acceptées. L’inscription de l’habitation, en tant que fait social, dans la durée, continue d’être ignorée (Fayolle Lussac, 2020), malgré des initiatives habitantes stimulantes. C’est ce que nous voulons montrer à propos d’ensembles de logements sociaux ou en copropriété en France. A cet effet ont été menées des enquêtes qualitatives de type ethno-architectural. Elles comprennent l’entretien avec les habitants et appréhendent, par l’exercice du regard (Laplantine, 1996) et le dessin du relevé (Pinson, 2015), leur rapport à l’habitation à travers les traces matérielles d’occupation et d’amélioration de l’espace. Avec cette méthode on peut ainsi observer ce que l’architecte-anthropologue Philippe Bonnin appelle la « production continue » de l’habitation (Bonnin, 1994), soit un ensemble d’actes concrets et structurés, organisés de façon réfléchie dans la durée, afin de stabiliser une installation dans le temps et l’espace.Il en résulte ce que l’on pourrait appeler une « poïétique » de l’espace, dans le sens où les Grecs distinguaient praxis et poïesis. Elle se traduit par des adaptations distributives, l’introduction de meubles, d’équipements, de couleurs et de tissus, la mise en valeur d’objets personnels, autant de dispositions conformes à un genre de vie, mais aussi par des interventions favorables à la transition énergétique avec l’amélioration du confort thermique de son logement. Ce type d’initiatives s’étend dans les parties communes, intérieures et extérieures, avec des jardins partagés, des composts, des cafés-bricoles ou des restaurants-épiceries associatives, etc.A travers elles, se forgent aussi un apprentissage coopératif aux « bons gestes », un « laboratoire de plein air » (Callon, Lascoumes, Barthe, 2002), qui donne à la société civile les arguments d’une saine et utile pression, auprès des acteurs chargés de produire l’habitat de demain, dans le sens d’une indispensable transition écologique.