2023
Cairn
Pierre Januard, « De l’œconomia à l’échange volontaire : la délimitation de l’activité économique chez Thomas d’Aquin », Revue des sciences philosophiques et théologiques, ID : 10670/1.1nf6ea
La pensée économique de Thomas d’Aquin est connue pour son apport concernant le juste prix ou l’usure, mais sa délimitation épistémologique de l’activité économique retient peu l’attention des commentateurs. L’Aquinate hérite d’Aristote de la notion d’ œconomia, gestion familiale se distinguant à la fois du politique, qui concerne la cité, et de l’activité du marchand, pour « le gain » ou « pour l’argent ». La délimitation de l’activité économique se fait donc par l’agent et par la finalité. Jusqu’à la Somme de théologie, le traitement des activités économiques est dispersé dans ses œuvres. La Somme fait œuvre novatrice en adoptant une typologie objectiviste, par la nature de l’opération, ici l’échange. Elle regroupe ces activités d’échange, à savoir le commerce et le prêt, en deux questions contiguës et leur donne un prologue commun. Elle les réunit comme échanges volontaires et nomme les péchés qui s’y rapportent. Thomas délimite ainsi l’activité économique, qui doit étre un échange et un acte volontaire. Ce cadre est à la fois extensif et restrictif : il permet de rendre compte des cas limites comme l’échange de biens non marchands, mais il exclut ce qui se rapporte à un don sans contrepartie, ou à un échange effectué avec secret (vol) ou violence (rapine). Ces critères, loin de constituer des évidences, viennent interroger les lectures économiques de l’œuvre thomasienne et la compréhension des rapports asymétriques entre co-contractants.