2011
Cairn
Bea Cantillon et al., « Le paradoxe de l'État d'investissement social : pourquoi la pauvreté n'a-t-elle pas baissé ? », Reflets et perspectives de la vie économique, ID : 10670/1.1qk6bm
La prospérité des pays riches occidentaux a connu un bel essor ces dernières décennies. Le nombre d’habitants exerçant un emploi dans ces pays a augmenté ; la part des dépenses consacrées à la sécurité sociale, aux soins de santé, à l’enseignement et l’intérêt public s’est maintenue à un niveau élevé, tandis que la lutte contre la pauvreté, pour l’égalité des chances et l’inclusion sociale a fait l’objet d’une attention soutenue sur le plan politique. Et pourtant, en dépit de tout cela, la plupart des pays n’ont pas réussi à mettre l’ensemble de ces moyens, à première vue favorables, au service de la réduction des inégalités et de la pauvreté. Ce constat nous conduit à nous poser la question suivante : pourquoi les riches États-providence n’ont-ils pas profité des circonstances favorables du tournant du siècle pour avancer dans la lutte contre la pauvreté ? Dans cet article, nous identifions un certain nombre de tendances structurelles expliquant en partie la persistance de la pauvreté dans l’Union européenne. Premièrement, la croissance du nombre d’emplois a surtout profité aux ménages qui travaillaient déjà et dans une moindre mesure aux ménages sans emploi, qui sont les plus fragilisés. Deuxièmement, il y a eu une érosion marquée de la protection sociale des ménages avec des personnes en âge de travailler mais sans emploi au cours de la période analysée. Troisièmement, les moyens alloués aux « nouveaux risques sociaux » ont tendance, plus que les revenus de remplacement traditionnels, à affluer vers des catégories de revenus supérieures. L’analyse ne doit pas être lue comme une critique unilatérale à l’égard des politiques d’activation et d’investissement. Elle pose simplement l’hypothèse selon laquelle ces politiques ont entraîné une diminution de la capacité redistributive des ressources investies dans des dépenses sociales.