2024
Cairn
Mathieu Maisonneuve, « Quelle(s) justice(s) pour le sport international ? », Les Cahiers de la Justice, ID : 10670/1.1tfinm
Le règlement des litiges sportifs internationaux est par nature au cœur d'un conflit de justices entre, d'un côté, la justice sportive, et, de l'autre côté, la justice publique. Avec l'avènement du Tribunal arbitral du sport (TAS), un pluralisme judiciaire ordonné s'est progressivement dessiné : à la justice sportive fédérale, le prérèglement des litiges nés de l'exercice de la puissance sportive ; au TAS, leur règlement juridictionnel en appel ; au Tribunal fédéral suisse, le contrôle restreint des sentences rendues. Sans remettre fondamentalement en cause cette répartition des rôles, censée être à la fois respectueuse de l'autonomie du Mouvement sportif, du principe d'égalité des athlètes devant la justice et du droit au juge, de récentes décisions des juridictions européennes sont toutefois en passe de la faire évoluer. Avec son arrêt Mutu et Pechstein de 2018, et peut-être plus encore avec son arrêt Semenya de 2023, la Cour européenne des droits de l'homme entend s'assurer que le Tribunal fédéral suisse, et par ricochet le TAS, veillent bien au respect des droits garantis par la Convention européenne des droits de l'homme. Avec son arrêt International Skating Union, du 21 décembre 2023, la Cour de justice de l'Union européenne invite les juridictions des États membres à priver d'effet les clauses TAS lorsque sont portés devant elles des litiges impliquant le respect de l'ordre public de l'Union. Autrement dit, si la compétence principale de la justice sportive pour juger de la légalité des décisions des institutions sportives n'est pas directement menacée, la compétence subsidiaire de la justice publique est en voie d'élargissement.