novembre 2022
Jeanne Dachary-Bernard et al., « Vivre dans une métropole exposée au risque inondation : à quel(s) prix ? », HALSHS : archive ouverte en Sciences de l’Homme et de la Société, ID : 10670/1.1u6zgk
Un des défis de l’adaptation d’une métropole estuarienne au changement climatique tient à la gestion du risque inondation. Les réformes territoriales ayant amené les métropoles à devoir se saisir de la compétence GEMAPI (Gestion des milieux aquatiques et protection contre les inondations) il leur incombe désormais de définir leur stratégie de gestion du risque tout en veillant à sa compatibilité avec les modalités de développement économique de ces territoires. Avec un quart du territoire sous les plus hautes eaux de la Garonne et près de 30000 habitants en zone inondable, la métropole bordelaise est particulièrement concernée par cet enjeu. En affichant l’ambition d’une ville millionnaire à l’horizon 2050, Bordeaux Métropole doit construire une stratégie adaptative devant à la fois servir cette ambition tout en se protégeant du risque inondation. Dans ce contexte, connaître les logiques résidentielles à l’œuvre sur le territoire, et comprendre l’impact du risque inondation sur ces choix résidentiels devient central.L’économie s’est depuis longtemps intéressée aux relations qui gouvernent la structuration des villes, la forme des villes et leurs relations aux territoires voisins. Le rapport du centre-ville à ses territoires périphériques relève notamment de logiques d’accessibilité, et se traduit sur le marché à travers la forme décroissante d’un gradient de prix fonciers et immobiliers.Cependant, les nouveaux enjeux auxquels les métropoles estuariennes se retrouvent confrontées interrogent cette relation : quels sont les mécanismes socio-économiques qui gouvernent l’organisation spatiale du foncier et parmi eux, la vulnérabilité au risque inondation y joue-t-elle un rôle structurant? Nous avons appliqué la méthode des prix hédoniques sur la période 2011-2016 au territoire de la métropole, élargi à ses communes voisines estuariennes. Il s’agit de mettre en évidence les facteurs qui influent sur la formation des prix immobiliers, et de regarder en détail l’influence du risque inondation sur ces prix. Nous montrons que les mécanismes de gestion du risque étudiés exercent un double effet sur les prix immobiliers. Le dispositif préventif de zonage PPRI (plan de prévention du risque inondation) produit un effet attendu déflateur sur les prix. En revanche, le mécanisme de réparation porté par le système CatNat semble exercer un effet pervers, produisant une « prime » à l’indemnisation des dommages, une « sécurité financière » là où les communes ont appris à faire appel à ce dispositif en présence d’inondations. Le secret d’une gouvernance adaptative efficace au regard du risque inondation ne résiderait-elle pas alors dans une meilleure articulation des outils de prévention et de réparation ?