1 octobre 2015
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Silyane S.L Larcher, « L'égalité divisée. La race au coeur de la ségrégation juridique entre citoyens de la métropole et citoyens des "vieilles colonies" après 1848 », HAL-SHS : philosophie, ID : 10670/1.214vif
Si conformément au principe révolutionnaire d’universalité des droits du citoyen, l’abolition de l’esclavage par la Seconde République en 1848 a institué la pleine égalité civile et politique entre citoyens (masculins) de la métropole et ex-esclaves des «vieilles colonies» de plantation, l’égalité civique n’a pas pour autant impliqué la pleine inclusion de ces derniers dans la «communauté des citoyens». En effet, la pleine citoyenneté française s’est accompagnée aux Antilles (mais aussi en Guyane et à la Réunion) d’un régime législatif dérogatoire au droit commun. Ces «colonies de citoyens» furent régies par un système juridique les plaçant en dehors des lois applicables en métropole. Quelle «pensée d’État» permit, au long de plusieurs régimes politiques distincts, de faire tenir ensemble l’articulation improbable entre égalité civique et exception? La division de l’égalité qui fonda une mise à l’écart des égaux ou une «altérisation» des citoyens des colonies post-esclavagistes s’est articulée dans la longue durée à une politisation des héritages historiques et anthropologiques des personnes originaires des îles à sucre. En abordant l’histoire de la citoyenneté française à partir de sa marge coloniale caribéenne, on observe ainsi qu’elle ne fut pas toujours unitaire ni abstraite: elle s’est articulée à une fabrique spécifique de la race. La logique de racisation par laquelle s’opéra la coupure entre Français de la métropole et Français des «vieilles colonies» anciennement esclavagistes ne se comprend pas simplement en termes coloristes, mais plutôt en termes «civilisationnels» – en termes «culturels» dirions-nous aujourd’hui.