2021
Benjamin Landais, « Comment gouverner les ‘nations’ ? Conceptions et pratiques politiques aux marges orientales de la monarchie habsbourgeoise à l’époque moderne », HAL-SHS : histoire, ID : 10670/1.23hg1h
Depuis le XVIe siècle, la monarchie des Habsbourg d’Autriche s’est construire comme un Ständestaat, un État patrimonial reposant, dans chaque province, sur la coopération avec les ordres privilégiés. À la frontière avec l’Empire ottoman, ce mode de gouvernement coexiste toutefois avec une forme de pouvoir déterritorialisé. Celle-ci s’appuie sur l’articulation entre deux registres : un imaginaire impérial portant sur des nations aux contours flottants et l’application d’une politique différentielle. Au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, des privilèges collectifs sont attribués à des peuples anciennement sujets du sultan et dont les administrateurs habsbourgeois souhaitent s’assurer la fidélité. Dans le même temps, les colons catholiques « allemands » qui affluent du Saint-Empire sont considérés comme les meilleurs soutiens locaux de la dynastie. Ils bénéficient pour cette raison d’un statut enviable, à la ville comme à la campagne. À l’inverse, d’autres nations sont vues avec méfiance. Leurs droits et leur présence sont délibérément limités. Mais les rouages de l’ethno-géopolitique habsbourgeoise se grippent rapidement. Les catégories de l’imaginaire impérial évoluent lentement et se révèlent souvent inadaptées comme catégories de la pratique politique. Enfin, le gouvernement par le privilège « national » est de moins en moins prisé par les élites locales dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. La sécurité d’une intégration à une société d’ordre est en effet préférée à la précarité d’une faveur impériale.