2023
Cairn
Emanuele Mariani, « Transcendance et totalité. Bonhoeffer, la phénoménologie et la figure de l’« homme parfait » », Les Études philosophiques, ID : 10670/1.24bw9w
Pourquoi recourir à la pensée de Dietrich Bonhoeffer pour formuler une contribution philosophique au problème de la tolérance ? Et, de surcroît, en dialogue avec la phénoménologie ? Homme de pensée et d’action, Bonhoeffer n’est, à proprement parler, ni un phénoménologue ni un penseur de la tolérance. Il est, toutefois, légitime d’envisager sa lutte contre le totalitarisme, tant sur le plan théologique que politique, comme un cas limite susceptible de relever du questionnement sur la nature et la portée de la tolérance elle-même. Et cela en raison du paradoxe auquel Bonhoeffer s’expose dans la tentative de putsch visant l’élimination du Führer à laquelle il participe : la violation non seulement de la loi, mais d’un commandement divin – « tu ne tueras pas » – que Bonhoeffer justifie au nom de sa foi en Dieu. Notre hypothèse de lecture nous conduit dès lors à consacrer une attention particulière à sa thèse d’habilitation, Akt und Sein, où Bonhoeffer formule une critique originale de la phénoménologie notamment heideggérienne, inspirée par la theologia crucis de tradition luthérienne : renonçant à toute tentative d’autodétermination, l’homme, pour Bonhoeffer, ne peut se comprendre que par une ouverture radicale à la transcendance qui coïncide, en dernière instance, avec la dimension authentiquement personnelle de l’homme lui-même ainsi que de la relation entre l’homme et Dieu.