Un regard alternatif sur les luttes sociales ? Les « street reporters », entre engagements militants et arrangements marchands

Résumé En Fr

An Alternative Look on Social Struggles? The Political Commitments and Commercial Transactions of Citizen Journalists -- The figure of the “citizen journalist” burst onto the global audiovisual scene in the wake of a series of revolts targeted by a media blackout (in Burma in 2007, in Iran in 2009 and in the Arab world in 2011). In France, the emergence of these non-professionals covering mobilizations and their repression on the frontlines coincided, a few years later, with the appearance of new mobile applications for live broadcasting on social media. Based on an ethnography of these independent reporters, the primary aim of this article is to sketch out the sociological contours of this media phenomenon, questioning the boundaries between journalism and activism, but also between amateurism and professionalism. Emphasizing the tacit rules that govern this community of practice, the article also reveals the recurring dilemmas surrounding the commercialization of audiovisual content produced by these independent reporters. It concludes with the irreducible autonomy of images (and the sound that accompanies them), whose uses frequently escape the intentions of their authors.

La figure du « street reporter » a fait irruption dans l’espace audiovisuel global à l’occasion d’une série de révoltes visées par un « black-out » médiatique (en Birmanie en 2007, en Iran en 2009 puis dans le monde arabe en 2011). En France, l’émergence de ces non-professionnels couvrant « au contact » les mobilisations et leur répression coïncide avec l’apparition, quelques années plus tard, de nouvelles applications mobiles de diffusion en direct sur les réseaux sociaux. Présentant les premiers résultats d’une enquête ethnographique en cours, l’article se propose d’abord d’esquisser les contours sociologiques de ce phénomène médiatique questionnant les frontières entre journalisme et militantisme, mais aussi entre amateurisme et professionnalisme. Tout en insistant sur les règles tacites qui régissent cette communauté de pratiques, il s’agit ensuite de mettre au jour des dilemmes récurrents autour de la commercialisation des contenus audiovisuels produits par ces reporters indépendants. L’article se conclut sur l’irréductible autonomie des images (et du son qui les accompagne), dont les usages échappent fréquemment aux intentions de leurs auteurs.