2023
Cairn
Benjamin Lassauzet, « L’utopie björkienne d’une tribu humaine interconnectée », Volume !, ID : 10670/1.29c445...
Tout au long de sa carrière solo, Björk a manifesté des tendances cosmopolites marquées, ce dont témoignent ses paroles en langue anglaise, l’emprunt à des traditions musicales diverses et la participation de musiciens d’origines multiples dans ses albums. Ces collaborations et références à des traditions culturelles extra-occidentales s’associent le plus souvent à un déplacement de la perspective anthropomorphique (en supprimant la hiérarchie entre êtres humains, nature et technologie) en s’inscrivant dans une tradition païenne issue de sa propre culture islandaise, et visant pourtant à faire émerger un folklore sans peuple ( folk) apparenté. Ce faisant, Björk opère une synthèse temporelle, puisqu’elle se réfère à la fois à un état pré-civilisationnel et formule l’utopie futuriste d’une tribu humaine atteignant l’unité par un rythme commun. Non contente d’inviter son auditoire, majoritairement occidental et urbanisé, à déplacer la focale du centre vers la périphérie, en brouillant les frontières et en faisant fusionner les langages musicaux, Björk propose ainsi de franchir une étape supplémentaire, proche de la pensée écologique de Timothy Morton, qui consiste non plus seulement à mettre à bas les oppositions entre les êtres humains, mais aussi à envisager différemment celles qui opposent l’humain au vivant, le vivant à la technologie, et la pureté à l’hybridation.