28 novembre 2024
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Élise Gandon, « Adultes migrants à la conquête de la langue d’accueil : faire émerger le sujet personne par la culture », HALSHS : archive ouverte en Sciences de l’Homme et de la Société, ID : 10670/1.29e283...
La question de l’exil des migrants est immédiatement confrontée à celle d’intégration et d’apprentissage de la langue. Mais le processus d’apprentissage du français se heurte sans cesse lui-même au sentiment de « perte(s) » provoqué par la condition d’exilé : la perte du maillage culturel (Thibaudeau, 2006), la perte de la langue première (Pestre, 2015), la perte du statut social (Moro, 1994) enfin la perte du lien qui relie à autrui. Ce sentiment engendre un empêchement de se projeter vers l’avenir, économiquement, linguistiquement, socialement. Pour le formateur, comment enseigner la langue cible dans cette situation ? Comment faire exister chacun, son histoire, ses cultures, son expérience et favoriser l’intégration sociale ? La prise en compte de cette situation nous a influencée dans la mise en œuvre d’une méthodologie pédagogique menée auprès d’une quarantaine d’adultes migrants en formation linguistique et professionnelle. Nous leur avons proposé des visites dans des lieux culturels : musées, théâtres, lieux patrimoniaux de la ville de Lyon, pour provoquer des interactions verbales. Notre objectif était de faire émerger l’apprenant-locuteur en tant que « sujet personne » et non seulement en tant que « sujet apprenant » (Moore et Simon, 2002), afin de favoriser la « reconquête » de ce qui a pu « se perdre sur la route de l’exil ».D’un point de vue théorique, nous questionnons la notion de sujet envisagé dans l’activité sociolangagière par l’emploi de certains éléments de la langue cible : adjectifs, verbes subjectifs (Kerbrat-Orecchioni, 2014), des « clés » pour se positionner comme sujet-locuteur et ainsi être en mesure de se (re)socialiser. Nous reprenons les termes de Bakhtine (1977), « le mot est une sorte de pont jeté entre moi et les autres. S’il prend appui sur moi à une extrémité, à l’autre extrémité, il prend appui sur mon interlocuteur ». Notre corpus se compose de 107 prises de parole de migrants enregistrées lors des sorties culturelles. L’analyse nous conduit à interroger l’expression de soi, d’un point de vue linguistique : Quels éléments énonciatifs de la langue sont mobilisés ? Mais également d’un point de vue du contenu : Que dire de soi, de sa culture ? Quels souvenirs sont déclenchés ? Quel lien se tisse à l’autre, à la langue-cible, au pays d’accueil ?Nous explorerons ces questions au cours de notre communication.