29 novembre 2024
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Alexandre Vayer, « La jeunesse populaire à l’école de l’entrepreneuriat : Quand le monde de l’entreprise s’empare de l’éducation pour socialiser au nouvel esprit du capitalisme », Theses.fr, ID : 10670/1.2bd37f...
Cette thèse prend pour objet des dispositifs dits de « sensibilisation à l’entrepreneuriat » qui se tiennent dans et hors de l’école auprès de publics de jeunes de classes populaires. Fruit d’une enquête ethnographique menée entre décembre 2017 et août 2019, par entretiens et observation (participante), elle interroge ces dispositifs en donnant à voir leur portée socialisatrice, mais aussi en montrant que derrière l’apparente simplicité d’une idéologie cohérente et particulièrement favorable à « l’esprit » du capitalisme, se cache en réalité des appropriations ambivalentes et des processus emprunts de rapports de forces. Tout en participant à la célébration de l’entreprise, les différents protagonistes sont pris dans un ensemble de contradictions dont l’on souhaite rendre compte dans le cadre de cette thèse. Dans une première partie, il s’agit de décrire les modalités de cette sensibilisation à « l’esprit d’entreprendre ». À travers l’analyse des discours et des pratiques qui accompagnent l’action de ces dispositifs, on montre qu’ils participent, avant tout, à légitimer et diffuser une injonction au travail de son « employabilité » que nous appelons la bonne volonté entrepreneuriale de soi se traduisant par une éducation qui vise à produire des rapports et des dispositions conformes au monde de l’entreprise et à ses attentes. Pour autant, on soutient que les jeunes de classes populaires que l’on a suivis se saisissent de ces dispositifs en les retraduisant d’une façon qui articule orthodoxie et hétérodoxie, témoignant ainsi du caractère dynamique et non-mécanique de cette éducation. La seconde partie de cette thèse saisit l’éducation à l’entrepreneuriat comme un moyen d’encadrer, par une socialisation au marché, les jeunes de classes populaires à travers des processus d’acculturation et de production d’un sens des limites économiques et sociales. Après un premier temps focalisé sur les dimensions économiques et marchandes relevant d’un rapport de nécessité au marché, le questionnement est intégré dans une sociologie des classes populaires attentive aux processus contemporains qui affectent cette région de l’espace social, entre désenclavement et renforcement des destins sociaux, autonomie et hétéronomie. Enfin, la dernière partie de cette thèse consiste à interroger l’éducation à l’entrepreneuriat comme un témoin particulièrement significatif des logiques ambivalentes du capitalisme qui affectent à la fois le monde associatif et l’économie dite « sociale et solidaire » et, en particulier, ses salariés, ainsi que le monde de l’entreprise lui-même, pris dans des processus de moralisation participant à sa légitimation. Ainsi, cette thèse est conçue comme un parcours qui ambitionne de faire varier les échelles analytiques en passant des niveaux les plus fins (les appropriations individuelles de cette socialisation à « l’esprit d’entreprendre ») aux niveaux les plus macrosociaux (les processus affectant les classes sociales dans leur ensemble ainsi que les dynamiques du capitalisme).