2 décembre 2020
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Romain Carrausse, « Les Sociétés d’Aménagement Régional face à la rénovation du contrat aménagiste : expérimentations et verrouillages quant à la recomposition du rôle de la Compagnie d’Aménagement des Coteaux de Gascogne », HAL-SHS : histoire, ID : 10670/1.2bp3wv
Cette thèse propose de mettre en perspective par une socio-géo-histoire les transformations actuelles d’un outil phare des politiques d’aménagement du territoire, les Sociétés d’Aménagement Régional (SAR) au travers du cas d’une de ces sociétés, la Compagnie d’Aménagement des Coteaux de Gascogne (CACG). Ces SAR sont emblématiques du projet politique de modernisation de la ruralité française. Elles se retrouvent, comme l’aménagement du territoire dans son ensemble, face à la polarisation du champ social et politique causé par la problématique environnementale et climatique, dans un impératif de transformation. Notre travail analyse la manière dont une structure emblématique de l’aménagement à la française ambitionne, expérimente et se retrouve bloquée quant à formaliser un nouveau rôle et de nouvelle façon de faire dans la gestion de l’eau et le développement des territoires ruraux. Pour comprendre et signifier cet impératif de transformation et la révision de l’ambition initiale de l’organisation, ce travail analyse les phénomènes de coproduction entre la production de savoir, l’incarnation et la répartition des pouvoirs, ainsi que les façons de gouverner l’espace et ses ressources. Ces interdépendances, que nous étudions en alliant une approche de géographie environnementale et de STS (« Sciences, Techniques et Société »), nous les mettons en exergue en articulant trois niveaux d’analyse. Le premier est celui des vagues de modernisation appréhendées comme le déploiement informel de certaines formes de savoirs, d’exercice politique et de représentation de l’espace et de ses ressources. Elles sont en somme une résonnance de la société. Le second porte sur la retranscription de ces vagues à travers la formalisation d’un contrat aménagiste, que nous entendons comme la négociation par l’appareil politico-administratif d’une façon de gouverner l’espace et ses ressources. Enfin, notre troisième niveau d’étude est celui de l’organisation de la CACG. Nous montrons alors dans quelle mesure cette structure et ses façons de faire résultent des agencements des différentes vagues de modernisation et contrats aménagistes dans lesquels elle était insérée. Dès lors, notre analyse révèle un désalignement entre vague de modernisation réflexive, contrat aménagiste et agencement du rôle de la CACG qui conduit à la structuration et l’occurrence de conflits. Le maintien du paradigme de l’abondance de l’eau et de ses façons de faire malgré la montée en légitimité des problématiques environnementales et des nouvelles considérations sociales et politiques sous-jacentes montre que la CACG comme la technoadministration n’ont pas été réflexifs face à la conflictualité des aménagements de cette ressource. De ce postulat, notre thèse analyse l’ambition de la CACG de reconfigurer son rôle et ses façons de faire dans la gestion de l’eau et le développement des territoires ruraux. Du niveau de l’organisation à celui de ses expérimentations, l’agencement de ce processus sur le plan des savoirs, des pouvoirs et des considérations quant aux nouvelles pratiques à développer en disent beaucoup sur les freins relatifs à ce type de structure quant à se transformer, afin de mettre la question sociale, politique, et territoriale au centre de son rôle de SAR. En effet, l’effort de la CACG d’internaliser les transformations contextuelles de l’aménagement du territoire montre une compréhension à l’aide du recours aux sciences sociales des nouvelles considérations propres à l’aménagement en temps de modernité écologique. Néanmoins, l’ambition initiale a dû être révisée. Les verrouillages professionnels internes à l’organisation, comme les verrouillages politiques propres aux considérations actuelles de la technoadministration en matière de gestion de l’eau et de développement des territoires ruraux ont contraint la CACG à réviser son souhait de devenir « l’Entreprise des Territoires », c’est-à-dire à revenir sur son objectif de reconfigurer son rôle d’agent et d’acteur.